Le Maquis du Vercors




Traiter du maquis du Vercors, forme de guérilla en milieu rural, peut paraître bien anachronique ; d'autant plus que dans l'imaginaire collectif européen, la grande ville est considérée comme l'espace privilégié de l'insurrection et, peut-être, d'une Révolution marxiste future, un espace labyrinthique où il est encore matériellement et tactiquement possible d’affronter l'ultra technologie des forces armées : la jungle urbaine sera, à coup sur, le prochain maquis des insurgés, comme elle l'avait déjà été pour la Rote Armee Fraktion ou les Brigades Rouges. Aussi peux-t-on imaginer,  en Europe, des zones rurales où s'établiraient la révolution marxiste, laissant les villes aux insurrections sociales ?


Et pourtant, on peut s'interroger d'une telle possibilité : des théoriciens de la subversion envisagent encore – ce n'est pas nouveau – l'idée de zones autonomes clandestines en milieu rural – inspirées par les TAZ d'Hakim Bey - , de villages investis – les Communes du Comité invisible – formant progressivement le réseau de l'insurrection - qui vientSi la grande ville n'est pas en dehors des stratégies élaborées, elle n'en est plus le centre d'attraction ; et, bien sûr, l'on évoque les zones rurales libérées et autonomes du Chiapas au Mexique, administrées sous l'autorité de l'EZLN. C'est le cas pour l'ensemble des guérillas en cours – Inde, Philippines, Colombie, Pérou – dont le principal terrain d'action – le plus visible en tout cas – est le milieu rural, y compris en Europe, en Turquie|Kurdistan pour les Kurdes du Parti des Travailleurs du Kurdistan, et de leurs alliés du Parti Communiste de Turquie, Marxiste Léniniste.

TURQUIE/KURDISTAN : Guérilleros du TKP/ML - TIKKO

De même, le cas de l'Argentine : les « explosions » sociales comme les mouvements piqueteros, naissent dans les villes de province - voire à leurs périphéries -, avant d'atteindre Buenos Aires ; un mouvement province-capital que l'on retrouve dans la stratégie des Chemises Rouges thaïlandaises, en 2010 ; tandis que des élus anti-capitalistes administrent pacifiquement le village de Marinaleda en Espagne... 


***

Lors de la seconde guerre mondiale, les zones de guérilla en milieu rural, les maquis, se comptent par centaines, et le général Einsenhower estimait que les groupes de Partisans de l'Europe entière, ont permis par leurs actions courageuses, l'économie d'une dizaine de régiments alliés et de quelques mois de guerre : la victoire repose en partie sur leurs efforts, voire sacrifices. Leurs principaux objectifs assignés par l'Etat major allié, - c'est important de le souligner brièvement - seront d'une part de contraindre l'ennemi à disposer des troupes sur l'ensemble du territoire – les empêchant ainsi de rejoindre le front -, et d'autre part, de saboter les réseaux de communication, interdisant, perturbant ou rendant difficile les mouvements de leurs armées mécanisées. Les troupes de Tito iront bien plus loin, en libérant de vastes zones de montagne. 

En France, parmi les dizaines de zones de maquis, deux erreurs tragiques marquent l'incapacité des militaires et de la Résistance à pouvoir organiser la guérilla rurale, et leurs dangers : le plateau des Glières et le plateau du Vercors.  La Lieutenant Gwenaëlle CHAPUIS, de l'armée de Terre, interroge celui du Vercors, et détermine onze "enseignements", parfaitement [ré]-adaptés à notre époque [les irréductibles de Notre-Dame des Landes peuvent en profiter...].  Elle en oublie un : une guerre de guérilla - urbaine ou rurale - ne s'improvise pas. 


® Lieutenant Gwenaëlle CHAPUIS

La guérilla n’aura pas Lieu…  La bataille du Vercors 1940-1944

Direction du bureau recherche de la Division Recherche
et Retour d’Expérience (DREX) | 2010



ENSEIGNEMENTS

Enseignement n°1 :

Une étude minutieuse du terrain est nécessaire. De nombreux atouts géographiques peuvent cacher certaines faiblesses et se transformer en piège.

Enseignement n°2 :

Le concept de forteresse apparaît dépassé.

Enseignement n°3 :

Une bonne connaissance des motivations des maquisards est essentielle. Beaucoup viennent chercher refuge et n’ont pas l’intention de prendre les armes.

Enseignement n°4 :

Les relations civils-militaires sont parfois difficiles à gérer. Une répartition des rôles dès le départ est indispensable.

Enseignement n°5 :

Contre un ennemi fortement armé, il n’existe pour des maquisards aucune possibilité de résistance prolongée sur une position fixe, si favorable qu’elle soit à la défensive.

Enseignement n°6 :

Le renseignement et les moyens de communication sont des armes essentielles que chaque camp veut maîtriser.

Enseignement n°7 :

Le plan Montagnards, trop statique, fondé uniquement sur les avantages naturels du Vercors comporte en lui les germes de son échec. La guérilla n’était pas réellement prévue par le plan.

Enseignement n°8 :

La troupe de guérilla doit se tenir à l’abri des lieux habités et s’interdire de tout contact avec les civils pour éviter les représailles.

Enseignement n°9 :

La guérilla doit être menée par des troupes parfaitement entraînées qui privilégient discrétion etextrême mobilité tactique.

Enseignement n°10 :

Afin de mener des actions de guérilla, des troupes mobiles et fractionnées sont préférables aux camps statiques.

Enseignement n°11 :

La guérilla est une technique à part entière qui doit être conduite par des troupes aguerries à cette technique et au milieu où elle se pratique.


INTRODUCTION

Vercors… ce nom résonne dans la mémoire de tous comme celui du courage, du sacrifice, d’une « tragédie totale » comme le dit Henri Amouroux dans sa Grande Histoire des Français sous l’Occupation. Au-delà du mythe de ce Vercors sacrifié, trahi, quelles furent les actions de guerre engagées par les hommes, civils ou militaires de carrière, réfugiés dans ces montagnes ?

La guérilla désigne les méthodes de résistance active employées par une population opprimée à l’encontre des oppresseurs. Voilà une définition simple, trop simple peut être, qui mérite d’être détaillée. Le mot même de « guérilla » apparaît dans la langue française au milieu des années 1830. Le Robert de 1834 traduit le mot espagnol « guerilla » par « troupes de partisans », faisant référence au soulèvement  espagnol contre l’occupation napoléonienne entre 1807 et 1812. Le Grand Larousse précise qu’il s’agit d’une « forme de guerre caractérisée par des actions discontinues de harcèlement, d’embuscades ou de coups de main, menées par des unités régulières ou des bandes de partisans sur les flancs, les arrières et les communications d’une armée adversaire ». Souvent vue comme une forme nouvelle de la guerre, la guérilla est pourtant très ancienne, les chinois Sunzi et Wuzi, au VIe siècle avant J.-C., accordaient déjà une place importante à la guérilla dans la conduite de la guerre. Plus tard, Appien, Plutarque ou Salluste ont développé dans leurs ouvrages les modes d’actions de ce qui était alors appelée « la petite guerre ». Certes anciennes, les guérillas se font cependant de plus en plus nombreuses à la fin du XIXe siècle. En effet, en se modernisant, les armées régulières se sont alourdies, les transformations de logistiques liées aux armées modernes les rendant aussi plus vulnérables. Théorisée par Mao Zedong en tant que guerre subversive, la guérilla qualifie la « guerre révolutionnaire » capable de prendre le pouvoir.

On peut ainsi définir la guérilla comme « l’arme du faible au fort, type de guerre adopté par des volontaires qui, bénéficiant – autant que possible – du soutien populaire, prennent les armes pour une cause politique, sociale, religieuse, ethnique ou même nationale, et opèrent par unités rassemblées et dispersées rapidement pour monter des actions discontinues de sabotages, de harcèlements, d’embuscades, voire de terrorisme »1.

Il s’agit donc d’étudier ici la formation des maquis du Vercors et les actions qui y furent menées. La caractéristique du Vercors, milieu montagnard, a-t-il influé sur le Plan Montagnards ? Sur les principes qui le fondent et les actions qu’il préconise ? Quels enseignements peut-on tirer de cette opération ?



Première partie
La naissance du maquis du Vercors

Chapitre I – Le Vercors, une forteresse naturelle

1.1 – Rappel historique de la situation politique

Le 23 juin 1940 à Voreppe ont lieu les derniers combats. Les troupes du général Cartier arrêtent les avant-gardes motorisées de la 3e Panzer et de la 13e Division d’infanterie motorisée. Le 25 juin, l’armistice est signé. Toutes les troupes ne sont pas démobilisées, et le général André Laffargue arrivé à Grenoble en 1941, songe aux moyens de les utiliser. Il élabore même un plan prévoyant « la constitution d’une vaste forteresse alpine, fermée, soudée par un rempart continu, utilisant au nord-ouest et à l’ouest la muraille des Pré-alpes calcaires, à l’est la chaîne principale des Alpes ; au sud se formant en liaison avec la XVe région, suivant les disponibilités de cette dernière »2. Un plan audacieux qui ne verra jamais le jour. Le général Laffargue sera pris au jeu de la surprise lors de l’entrée des Allemands en zone libre.


Le général Laffargue n’est pas le seul à envisager de reprendre la lutte et à échafauder des plans. Celui de l’état-major général de l’armée est encore plus ambitieux, prévoyant une véritable mobilisation de toute la zone Sud. Le commandant Delaye, aidé par l’adjudant-chef Requet et le lieutenant Bertaux, prennent de nombreux risques pour faire sortir des armes du parc de matériel de Grenoble et les dissimuler aux alentours. 35 dépôts sont constitués dès le début de l’année 1941, 150 en novembre 1942 lors de l’invasion de la zone sud.

Deux initiatives parallèles, l’une militaire, l’autre civile, sont à l’origine du maquis du Vercors, initiatives qui finissent par se confondre vers la résistance clandestine, en une guérilla et même une guerre ouvertement déclarée.

Dès 1940, à Grenoble, le cours Berriat et sa pharmacie sont un lieu de refuge d’opinion rapidement fréquenté par de nombreux socialistes résistants qui permettent l’implantation dans le Vercors de Francs- Tireurs 3, mouvement récemment fondé par un lieutenant d’artillerie de réserve, Jean-Pierre Lévy.

De 1940 à 1942, ces premiers résistants se font plus nombreux et commencent à mieux se connaître. Le Dr Martin de Lans, le Dr Samuel et Aimé Pupin se rencontrent le lundi de Pâques 1942. Ainsi commence, selon l’expression de ce dernier, « l’étroite collaboration autour de quoi tant de choses dans le Vercors vont s’organiser » 4. Puis vient la rencontre avec Yves Farge, journaliste au Progrès de Lyon. Pour ce noyau, un groupe de « socialistes résistants » plus que de « résistants socialistes », le parti passe avant et la Résistance apparaît alors comme un moyen de l’imposer 5. Ces premiers contacts sont renforcés par la journée du 10 novembre 1942 et l’invasion de la zone libre. Le Grand état-major italien, après consultations avec l’Oberkommando der Wehrmacht, donne l’ordre à ses troupes de franchir les cols-frontières lombards, piémontais et ligues. Le 20e groupe alpin, issu de la 5e division alpine, reçoit pour mission d’occuper la région qui s’étend de Genève à la Durance.

La 5e division Alpini Pusteria est une division d’infanterie légère de l’armée italienne, spécialisée dans la lutte en montagne. Le général di Castiglione commandant la division Pusteria prend la route de Grenoble où il installe son quartier général. De leur côté, les troupes allemandes font mouvement vers le Sud. Elles entrent à Grenoble le 27 novembre. Les garnisons sont occupées, de nombreux soldats italiens prennent alors le maquis.

1.2 – Le Vercors, situation géographique

Le Vercors exerce un effet attractif obsidional 6 en ce sens que les montagnes ont de tout temps servi de refuge. Difficiles d’accès, elles le sont d’autant plus pour les gens qui ne les connaissent pas et qui y cherchent ceux qui les connaissent. Les caches y sont nombreuses du fait du milieu de moyenne montagne qui présente un relief tourmenté, surtout en milieu géologique calcaire et dolomitique comme au Vercors. Ce dernier est aussi peu déboisé et les forêts permettent de se dissimuler parce qu’elles gênent la vue aussi bien pour un observateur au sol que pour un observateur aérien.

Le massif du Vercors présente de nombreux avantages tactiques utiles aux maquis. Long de près de 50 km du nord au sud, large de 20 d’ouest en est, ce vaste massif des Préalpes calcaires constitue un formidable donjon militaire. Sur les 180 km de son périmètre, il est bordé de parois à-pic, douves naturelles de ce donjon. Si l’altitude moyenne des villages du plateau ne dépasse pas les 800 à 1 000 mètres, le rebord du plateau du Vercors forme une crête abrupte vers l’extérieur et s’élève à plus de 2 000 mètres. Huit routes seulement pénètrent l’intérieur du Vercors, trois d’entres elles franchissant la crête, les autres remontant les gorges creusées dans la roche par l’érosion. Huit routes seulement à surveiller et à contrôler, la tâche semble facile…

De plus, le Vercors est isolé : au nord, la cluse de l’Isère le sépare du massif de la Chartreuse ; à l’est les vallées du Drac et de l’Ebron ; au sud, celle de la Drôme et des Préalpes méridionales ; à l’ouest le cours inférieur de l’Isère et le plateau de Chambarrand. Cette forteresse naturelle commande de nombreuses lignes de communication importantes : la voie ferrée de Grenoble à Valence, la voie ferrée Grenoble-Marseille par Veynes, la route nationale 75 de Grenoble-Sisteron par le col de Lus-La-Croix-Haute, la route nationale 532 Grenoble-Romans, la route nationale 93 Livron-Aspres-sur-Buëch par Die, sans oublier l’axe majeur de la vallée de Rhône, la route nationale 7 qui se trouve à portée de main.

Cependant, ces falaises et ces rivières peuvent se transformer en faiblesse car l’ennemi peut les encercler facilement avant de les pénétrer. Autre faille de la cuirasse : la rareté des points d’eau sur le plateau lui-même. Dans les calcaires, l’eau circule sans imbiber la roche. Cette géologie calcaire et dolomitique génère un relief bien connu de lapiaz, de grottes, de falaises et qui va influer sur les événements du Vercors 7. Devant tant d’avantages naturels, il est tentant d’y installer des maquis et d’y mener des actions de guérilla contre l’ennemi. Cependant, la confiance presque aveugle dans les capacités naturelles du Vercors a pu conduire à en oublier les défauts, la forteresse assiégée se transformant en piège verrouillé. 



Chapitre II – Le plan Montagnards


2.1 – Naissance d’une idée

Le plan Montagnards naît dans l’esprit de Le Ray, Dalloz, Prévost et Farge. Ces résistants de la première heure se penchent ensemble pour finaliser un plan construit, soumis par la suite aux hautes autorités de la Résistance à l’étranger. Deux hypothèses sont possibles, l’une beaucoup plus ambitieuse que l’autre.

. La première théorie, assez modeste, consiste à « se servir du Vercors comme d’un centre de perturbation, d’un repaire de corps francs, d’où pourraient être lancés le moment venu, des raids vers les voies ferrées, les routes, les ponts, les installations et lignes électriques, les régions industrielles de la périphérie ». Le massif ne serait, en somme, que « le point de départ  d’incursions sur les arrières des armées allemandes, et seulement dans le cas où elles viendraient refluer par la vallée du Rhône ».
. La seconde théorie, plus audacieuse, consiste à transformer le plateau du Vercors en porte-avions ancré en terre ferme. Le maquis se voit alors confier comme tâche principale la préparation de terrains d’atterrissage et d’aires de parachutage. Le moment venu, les maquisards bloqueraient les issues du plateau, et serviraient de guide aux troupes alliées. Cette seconde hypothèse n’est envisagée que dans le cadre d’une occupation de la France par les Alliés ou dans un état de désorganisation déjà avancé de l’ennemi.

Que la première hypothèse ou la seconde soit retenue, les instigateurs du plan Montagnards envisagent de mener une guérilla : il n’est pas question, dans leurs esprits, d’attirer dans le Vercors des troupes allemandes pour les combattre lors d’une grande bataille. La guerre hoplitique n’est pas d’actualité. La grande confiance accordée au relief du Vercors comme protection naturelle fait dire à Pierre Dalloz :

« Il s’agirait non de braver un ennemi en possession de ses moyens mais, en intervenant, d’aggraver son désordre. Il s’agirait, non de s’incruster dans le Vercors, mais d’y prendre pied par surprise, dans le but d’en sortir et d’attaquer. Il s’agirait non de tenir, mais de pousser dans tous les sens » 8.

Néanmoins la mécanisation, lors de la Seconde Guerre mondiale, rendait le concept de forteresse relativement caduc : le fort belge d’Eben-Emael fut pris (déjà) grâce à une action aéroportée ; le 6 juin 1944, le mur de l’Atlantique est d’abord franchi par les parachutistes 9. Le Vercors est-il réellement une forteresse digne de ce nom ? On peut en douter. Comme le rappelle Gilles Vergnon :

« le désenclavement [du Vercors] s’opère à partir de la seconde moitié du XIXe siècle [...] S’y ajoute un réseau intérieur au Plateau, complété par une capillarité de routes forestières de bonne qualité, au total 200 km de voies carrossables. Le réseau routier du Vercors est désormais l’un des plus importants des Alpes. Le Vercors est tout, sauf inaccessible »10.

Penser le contraire était nier les qualités allemandes dans l’art de la poliorcétique.

2.2 – Une idée qui est approuvée en haut lieu

Le plan Montagnards est porté à la connaissance du général Delestraint, plus connu à cette époque sous le pseudonyme de Vidal, qui le porte lui-même à la connaissance du général de Gaulle. Le 25 février à 20 h 45, la BBC diffuse le message « les montagnards doivent continuer à gravir les cimes » : le plan est accepté 11. A son retour en France, fin mars 1943, Vidal se rend dans le Vercors pour y rencontrer les chefs des maquis. Il reconnait le caractère de forteresse du Vercors, mais en fin tacticien met en garde ses hôtes : « Sans artillerie, ou à la rigueur, sans mortiers, il ne faut pas espérer tenir longtemps sur le plateau de Villard-de-Lans. Mieux vaudrait, dans ces conditions, se rabattre sur la partie sud du Vercors »12.

Cependant, dans l’esprit du Général, le plan Vercors préconise donc de mettre sur pied une armée clandestine, complètement indépendante des organismes politiques 13, qui agira le jour où les états-majors occidentaux décideront de déclencher des opérations et s’abstenant jusque là de mener des actions de
 sabotage… et donc de guérilla. Le Vercors est destiné à servir au moment de la Libération, pas avant.

2.3 – Le Vercors, situation militaire

Avec l’occupation de la zone libre, la carte militaire se redessine. La XIVe région militaire devient la R1, englobant les Savoie, le Bugey, la Bresse, le Dauphiné, le Lyonnais, la Loire et le Vivarais. Le commandant Marcel Descour (dit Bayard) prend la tête de cette R1 et confie le Lyonnais à l’artilleur René Bousquet. Alain le Ray divise le Vercors en 5 sous-secteurs :
– le premier, point faible de la défense, englobe Saint-Nizier et les forges du Furon ;
– le second comprend la région d’Autrans ;
– le troisième intitulé « centre » est formé par le coeur même du plateau ;
– le quatrième baptisé « Mandement » correspondant à la forêt de Lente ;
– enfin le cinquième qui porte le nom de Vercors s’étend du Grand Veymont au col de Rousset.

Chaque sous-secteur est divisé en trois commandements, disposant chacun de 500 hommes, armés… un plan très précis… mais non réaliste pour une zone si vaste qu’il paraît difficile de transformer en camp retranché.

Au début de l’année 1943, le maquis du Vercors comprend 400 à 500 hommes et se divise en deux groupes distincts : le groupement Nord et le groupement Sud.
– Au Nord, le capitaine Durieu a autorité sur la région d’Autrans, Méaudre, le col de la Croix- Perrin ;
– Au Sud, le capitaine Thivollet contrôle Saint-Martin, Saint-Julien, la Chapelle-Vassieux.

Cette décision de division est liée au fait que le Vercors est à cheval sur deux départements. Le Vercors Nord regarde vers Grenoble et l’Isère ; le second vers Valence et la Drôme. Une division qui risque d’accroître les forces centrifuges à une période où le Vercors manque encore d’unité.


Chapitre III – L’installation des troupes dans les montagnes du Vercors

3.1 – Les premiers camps de maquisards

1942 : naissance des premiers camps

Le premier camp naît à la ferme d’Ambel, clairière vallonnée du sud-ouest du Vercors, zone déserte 14. Une trentaine d’hommes y trouvent refuge pendant l’hiver 1942-1943, suite à l’occupation totale de la France par les Nazis. Très rapidement, ils sont 85 à la ferme d’Ambel, entraînés par le capitaine Fayard15 au maniement des armes, malheureusement trop peu nombreuses et fort anciennes. Ce premier maquis est une initiative civile, le Dr Martin du 125, cours Berriat envoyant à son confrère, le Dr Samuel, les jeunes qui veulent se cacher.

A cette première initiative viennent s’ajouter d’autres créations : entre février et mai 194316, deux nouveaux camps voient le jour : le camp n° 2 au puits des Ravières et le camp n° 3 dans la maison forestière de Gèves, au nord d’Autrans. Les réfractaires au STO, de plus en plus nombreux, trouvent refuge dans ces camps, et un quatrième est créé à Cournouze, un cinquième à Gros Martel, un sixième à Laragnole, un septième au plateau de Saint-Ange et un huitième au Piarrou. Les camps 9 et 10 sont constitués par des militaires de carrière, le camp 11 est conçu en novembre 1943 au monastère d’Esparnon par fusion des camps 6 et 8 ; enfin, le camp 12 est installé au chalet Bellier près du col de Rousset. A la fin de l’hiver 1942-1943, le Vercors est créé. Avec lui, les filières de passeurs, de choix des candidats…

A cette liste, il ne faut pas oublier les initiatives isolées, mal connues donc non recensées, à l’instar du curé Vincent, ancien aumônier du 143e régiment d’infanterie alpine qui se porte au secours des réfractaires et des Juifs.

Qui sont ces jeunes maquisards ?

D’un échantillon extrait du fichier de l’Association des Pionniers du Vercors, Gilles Vergnon conclut que « les premiers arrivants, participants à la protohistoire du maquis ne sont pas si jeunes que nous le pensions ! Les hommes mûrs, le plus souvent mariés, forment presque la moitié de l’effectif. [...] Les maquisards originaires de l’actuelle région “Rhône-Alpes” représentent 63 % de l’effectif, dont 34 % pour l’Isère et 18,4 % pour la Drôme [...], l’âge et le lieu de provenance tendent à confirmer que, si, comme on le sait, tous les réfractaires sont loin de se retrouver au maquis, la première vague, de recrutement local et même “vicinal” est largement issue du réfractariat. La deuxième vague, qui constitue l’ossature des camps avant le débarquement, présente un profil assez différent. Le pourcentage des maquisards les plus âgés chute nettement [...] les jeunes sont 60 % et les très jeunes 10,1 % du total. Le pourcentage des maquisards nés dans un des départements de la région Rhône-Alpes est à la baisse [...] Le maquisard-type de la deuxième génération a donc entre 19 et 23 ans, est le plus souvent célibataire [...] 41,3 % [de ces maquisards] sont nés dans la Drôme et l’Isère » 17.

La grande variété des provenances et des motivations, la variété des filières d’arrivée, des hommes et des opinions sont autant de données qui fragilisent l’homogénéisation indispensable à la création d’unités combattantes. Cette dernière est l’objectif des « équipes volantes » constituées à l’initiative de Le Ray. La formation militaire s’effectue par l’entraînement physique et l’étude d’un manuel de guérilla, Instruction provisoire pour l’emploi des corps francs, rédigé par le capitaine Xavier de Virieu et diffusé sous la couverture factice du ministère de la Défense nationale 18.

Vie dans les camps

Quelques témoignages relatent la vie dans ces camps du Vercors, marquée principalement par l’ennui et la recherche de vivres 19. Comment nourrir ces hommes de plus en plus nombreux ? Il faut de l’argent pour acheter le blé, la viande, le tabac, etc. Il faut également acheminer ces vivres et mettre en place des équipes d’acheminement. Corvées d’eau, de bois, de cuisine, soirées en chansons rythment la vie des maquisards. De manière surprenante, l’entraînement militaire ne ressort pas de ces témoignages : quelques récits de recherche d’armes et de munitions, mais ils restent marginaux. Il faut probablement mettre cette constatation en lien avec le profil des maquisards, principalement des réfractaires au STO cherchant uniquement refuge.

L’entraînement est aussi dépendant des hommes qui s’y trouvent. Ainsi, le camp n° 2 est entraîné par un jeune évadé d’un convoi STO qui est doté d’un brevet de préparation militaire supérieure 20. Il va sans dire que le camp du lieu dit Les combes qui abrite des réfugiés du Prytanée militaire de Valence est doté dès le départ d’un caractère militaire et d’une instruction en adéquation. J. La Picirrela note cependant que « hormis le C1 d’Ambel, tous les autres camps eurent une activité militaire. Si l’instruction eut lieu sous des hangars ou des masures bien souvent délabrées, l’entraînement des trentaines s’effectua l’hiver, dans la neige, sans gant, en blouson, pantalon de toile et chaussures de ville » 21. Cependant, il ne précise pas à quel type d’entraînement les hommes sont soumis. Au camp d’Ambel précisément, Marcel Brun- Bellut se souvient : « nous étions divisés en trois groupes et nous prenions la garde à tour de rôle. Garde bien symbolique car nous n’avions pas d’armes »22.

Gilbert François dit Canard relate ainsi la vie du camp n° 6 : « Par temps de soleil, il était possible de voir un petit troupeau, conduit matin et soir à la maison forestière toute proche, accompagné du tintement des sonnailles, des hommes étendus à l’ombre, d’autres se grillant au soleil ; enfin un ensemble de colonie de vacances pour jeunes gens désoeuvrés. C’est en somme ce qu’aurait vu un promeneur solitaire s’aventurant dans ce décor perdu. En fait, il y avait les corvées d’eau, les corvées de légumes, les abattages d’arbres et de bêtes, et puis les alertes, les descentes à Jossaud, les marches et les reconnaissances et puis que sais-je encore ? » 23.

Parallèlement aux camps civils se constitue autour de Pierre Dalloz un groupe militaire avec Yves Farge, le commandant Pourchier et le capitaine Alain le Ray. Ces initiatives manquent de coordination, ce à quoi remédie la naissance d’un « comité militaire » du Vercors et la mise en place d’un plan stratégique à long terme, le plan Montagnards. Cependant, les relations entre militaires et civils sont tendues, ne facilitant pas l’organisation et l’unification du maquis.

3.2 – Un problème de coordination entre civils et militaires

Le Vercors semble en effet un conglomérat d’actions disparates, civiles, militaires, de bonnes âmes voulant aider leur prochain, certains voulant combattre les nazis, d’autres voulant juste leur échapper. Cependant, chacun veut imposer sur le Vercors son autorité, sa pensée stratégique, son influence. Les relations entre les dirigeants s’en trouvent perturbées, et le Vercors fonctionne plus sur les relations d’hommes à hommes que sur une hiérarchie bien définie. Ainsi en témoigne Yves Farge le 23 mai 1942. S’adressant au commandant Pourchier et à Aimé Pupin, premier chef civil du Vercors, il déclare : « Travaillons la main dans la main. Vous, Pupin, vous resterez le patron des camps, leur chef civil. Vous, Pourchier, vous en serez l’instructeur militaire » 24. Petite phrase innocente qui en révèle beaucoup sur les relations entre les chefs du Vercors.

Au printemps 1943, Fernand Rude explique que l’arrestation des civils, (dont l’un, Pupin écrivit : « Les quelques militaires que nous avons veulent nous évincer, mais avec nous, rien à faire ! ») va faire évoluer les rapports entre civils et militaires, ces derniers prenant le pas sur les autres. Le durcissement et la militarisation du dispositif pouvaient apparaître aux civils de « Franc-tireur » comme une dépossession de leurs responsabilités antérieures, ce que reconnaît Samuel : « [après les arrestations] Il nous fut impossible de ne pas nous appuyer plus largement sur l’élément militaire et de passer avec eux un accord, équilibrant de part et d’autre les risques et les responsabilités. Nous civils, avions à y perdre une partie de nos prérogatives, mais d’autre part nous devions y gagner des avantages matériels certains… » 25.

L’été 1943 est marqué par de nombreuses rivalités et concurrences entre les mouvements civils, et les organisations militaires, O.R.A. (Organisation de la Résistance de l’Armée) et B.C.R.A. (Bureau Central du Renseignement et de l’Action) qui tentent de prendre le pas sur les civils. Le Vercors souffre d’attiser les convoitises et les ambitions. Ainsi, en mars 1943, Combat tente de s’implanter en créant le camp de Saint-Ange, et met en place une école de cadres par les soins du curé de Corrençon. « Aimé Pupin ne tarde pas à réagir au nom de Franc-Tireur. A la demande de Farge, Jean Moulin fait en sorte que cette école soit mise en sommeil » 26. Le Vercors reste aux mains des Francs-Tireurs.

Fin juin 1943 a lieu une rencontre au château de Murinais, aux environs de Grenoble, entre les trois hommes qui vont reconstruire le Vercors ; le capitaine Alain le Ray, Eugène Chavant dit Clément et le Dr Eugène Samuel. Chavant, s’impose comme le chef civil. A ces conflits, s’ajoute une concurrence entre gaullistes et giraudistes pour s’approprier le Vercors. En 1944, le pouvoir est aux mains de deux tendances : « Franc-Tireur » dispose du pouvoir civil, exercé par Chavant, et l’O.R.A (ralliée à de Gaulle) dispose du pouvoir militaire, exercé par Geyer dès janvier, puis Huet à partir du 6 juin. Ceux-ci sont sous les ordres de Descour27 et Zeller. Il y aura des conflits de personnalités entre et au sein de ces deux pouvoirs, mais ils sont en total accord sur les décisions politiques prises comme la proclamation de la République, la reconstitution de l’armée française et sur la stratégie conduite au Vercors 28.

3.3 – Comment organiser les camps ?

Le plan Montagnards se heurte en effet au problème des camps. Refuges de réfractaires au STO ou camps de résistants prêts à se battre, les maquis du Vercors apparaissent comme une imbrication des deux types de cantonnement 29. Quelle que soit la finalité de ces camps, la meilleure solution pour eux est la dispersion. En effet ils doivent être assez éloignés les uns des autres pour échapper à l’encerclement, mais aussi assez proches pour se prêter un appui mutuel si besoin.

A ce problème entre « camp-refuge » et « camp de base » se greffe celui du nombre des maquisards. Le nombre et la structure même des maquis sont une difficulté, que ce soit pour les militaires ou pour les civils. Ou bien les maquis demeurent de petites unités mobiles et protégées par leur mobilité, ou bien ils deviennent des formations concentrées, concevables seulement dans des conditions géographiques permettant leur isolement, à condition d’assurer leur autonomie d’existence et d’armement.

Le choix de constituer des camps assez vastes et nombreux, paraît peu compatible avec des actions de guérilla. Plus visibles, plus difficilement défendables, ces camps sont des proies faciles. Pourquoi ce choix alors ? Pour l’état-major de de Gaulle, comme pour les militaires anglo-saxons, les maquis concentrés ont l’avantage de tenir en main les effectifs armés et de préparer le retour aux méthodes militaires classiques d’encadrement qui rendent le soldat « apte à se battre sans se soucier des motifs ». Un retour à la guerre classique… et un abandon de toute idée de guérilla.

Pour résumer, on peut dire qu’il existe en fait trois Vercors. Un premier Vercors, de 1942 à 1943 où s’entrecroisent d’un côté des maquis hébergeant des réfractaires au STO et d’autre part le projet géostratégique de Pierre Dalloz. Un second Vercors se distingue de 1943 à 1944, qualifié de « maquis durable à vocation stratégique » par Gilles Vergnon 30 avec ses réfractaires et ses volontaires qui se transforment en maquisards, avec ses camps peu à peu « militarisés ». Enfin le troisième Vercors est celui qui dure du 6 juin 1944 à l’assaut allemand du 21 juillet, celui de la bataille et du sang.


DEUXIÈME PARTIE
DES ESCARMOUCHES À LA BATAILLE DU VERCORS

Chapitre I – Premiers contacts avec les Allemands

1.1 – Des Italiens aux Allemands

L’action italienne, une action limitée

Dès l’occupation, les Italiens des unités d’Alpini parcourent le Vercors. Leur première préoccupation est la recherche des caches d’armes. Les troupes italiennes stationnées dans la Drôme dépendent de la Commission Italienne d’Armistice avec la France, sous-commission « armée de Terre » (à Turin), délégation des Alpes (à Nice), 2e direction régionale à Valence, dirigée par un colonel commandant également la 4e section de contrôle de l’armée de Terre, à Valence aussi. Ces troupes appartiennent au 1er Corps d’Armée dont l’état-major est à Orange.
 Mussolini donne aux autorités militaires italiennes les ordres suivants : « Notre occupation du territoire [...] français se caractérisera par les traits suivants :

a) attitude correcte envers les autorités militaires et civiles françaises, les contacts étant limités aux seules nécessités du service ;
b) attitude cordiale mais réservée à l’égard de la population civile ;
c) les troupes feront preuve d’une tenue et d’une discipline irréprochable. [...] les officiers devront en permanence donner l’exemple »31.

Les rencontres avec les maquisards sont assez rares, les systèmes d’alerte fonctionnant convenablement. Mais les Italiens ont aussi des réseaux de renseignements. Il faut noter que la recherche des maquisards est l’oeuvre de l’OVRA [32] et non de l’armée italienne. Ainsi le 24 avril 1942, le Dr Martin est arrêté ; le 26 mai, 13 autres résistants sont arrêtés, suivis par Aimé Pupin. Les Italiens ont porté un coup très lourd au Vercors. Coup alourdi par l’affaire de Caluire 33. Le Vercors se trouve sans chef, et sans ambassadeur. Il faut renouer les liens dissous, tant dans le Vercors lui-même, qu’avec Londres et Alger. A la fin de l’année 1942, les Italiens découvrent le dépôt de munitions de Clérieux, caché dans des grottes champignonnières 34. 230 tonnes d’armes y étaient entreposées ! Le 18 mars 1943, 200 Italiens quittent Grenoble pour se diriger vers le camp C4 à Cornouze ; 4 maquisards sont arrêtés. L’action répressive des Italiens fut limitée, de nombreux Résistants en témoignent. René Ladet explique qu’« il y avait des attentats quand les Italiens étaient là mais il n’y avait pas de représailles ». Ils chantaient quand ils partaient en patrouille, « peut-être pour signaler leur présence et ne pas se faire attaquer ». Par contre, le comportement des Italiens allait faire prendre de mauvaises habitudes à certains Résistants.

Lorsque les Allemands les remplacent, Eugène Samuel explique que « la partie allait devenir plus serrée » et cela amena à rétablir « les principes d’ordre et de discipline militaire introduits dans les camps vers cette époque » car les maquisards « habitués à la surveillance peu convaincue des Italiens, devenaient d’une folle témérité et il allait être prudent de se contenir quelque peu ».

Reconstruire le Vercors : la mise en place d’un nouveau comité militaire

Le second comité militaire du Vercors mis sur pied durant l’été 1943, composé de Chavant, Samuel, Le Ray 35, Costa de Beauregard et Prévost a pour tâche de modifier le dispositif précédent. Le Ray explique : « Nous devons transformer ce canevas selon cinq intentions principales :

1. disparition du distinguo entre civils et militaires au profit de la notion de combattants de la Résistance ;
2. structure du commandement comportant le minimum d’échelons nécessaires et suffisants ;
3. élimination de tout préjugé statique en général, mais tout spécialement concernant le style de vie des « trentaines » du maquis. D’où une rupture de principe entre elles et les villages ;
4. double rôle des sédentaires ; support renseignements, alerte, ravitaillement des réguliers du maquis et mise sur pied immédiate à la demande, en vue des missions du moment ;
5. renforcement de l’encadrement en nombre, en qualité et en autorité » 36.

Les tâches sont ainsi réparties entre civils et militaires. Ces derniers sont aux ordres de Le Ray ; et en matière civile, les chefs des communes se trouvent placés sous l’autorité de Chavant. Les tensions apparues au début de l’aventure du Vercors se dissipent, et tous concourent à l’encadrement des camps, appelés dorénavant « groupes mobiles ». Militairement, le Vercors adopte une division en deux zones calquées sur l’organisation civile : la zone nord est confiée à Costa de Beauregard, la zone sud à Jeannest, rapidement remplacé par Geyer. En matière civile, les maires des communes sont placés sous l’autorité de Chavant.

Le 10 août 1943, les chefs civils et militaires sont réunis sur le lapiaz d’Arbounouse. Il s’agit pour ces cinq hommes de définir la doctrine d’action des maquis. Le 13 novembre, sur ce même plateau, a lieu le premier parachutage d’armes. Le Vercors exulte de joie.

Les Allemands arrivent à Grenoble

A la suite de la chute de Mussolini le 25 juillet 1943 et la signature de l’armistice par Badoglio le 8 septembre, les Allemands occupent Grenoble, délogeant les Italiens de la caserne. Des combats ont opposé les Italiens aux Allemands dans la nuit du 8 au 9 septembre. Certains Italiens ont rejoint alors les maquis installés. L’arrivée des Allemands dans la région modifie profondément les conditions de la lutte engagée par la Résistance. La Gestapo succède à l’OVRA. Elle est plus efficace et plus dangereuse. Une démonstration de force a lieu le 25 novembre, plus connue sous le nom de la « Saint-Barthélemy grenobloise »37. Ces actions ne cesseront plus.

Côté français, ce remplacement apparaît comme une démonstration de force de la part des Allemands. Pourtant, il est peu probable que ce soit une volonté affirmée des Nazis. La 157e division prend la place des troupes d’occupation italiennes en septembre 1943, et va assurer le même rôle qu’elles. Wyler 38 explique qu’« il ne s’agissait pas d’une troupe de première ligne, mais plutôt d’une unité territoriale chargée du maintien de l’ordre en territoire occupé » et qu’à la veille des combats des Glières « comme elle le fait maintenant depuis quatorze mois, déjà, la 157e division s’apprête à nouveau à conduire de simples opérations de maintien de l’ordre ». Il en ira de même au Vercors. Ce qu’il suggère implique que l’essentiel des troupes de la 157 Reservendivision ne sont pas destinées à rejoindre le front de Normandie.

Assurer le simple maintien de l’ordre va s’inscrire, en juillet 1944, dans une vision plus globale qu’ont les responsables militaires allemands : assurer la sécurité des moyens de communication, comme l’écrit M. Martres : « Les chefs militaires allemands concernés ne perdaient pas de vue l’axe de repli nord-sud : la vallée du Rhône et ses bordures. En juillet 1944 ils s’efforcèrent de les dégager, rive droite et rive gauche ; 4-7 juillet : intervention à Mercoire-Le Cheylard ; 12 juillet : opérations vers Nantua-Oyonnax ; 20-24 juillet : combats du Vercors ». Cet auteur signale, en conclusion de son article, que si « les historiens français insistent sur les combats des “ grands ” maquis, les sources allemandes accessibles traitent souvent ces actions en quelques lignes et s’intéressent surtout aux moyens de communication ». Ce dernier point paraît fondamental. Joseph Gilbert le souligne en écrivant 40 : « En disloquant en moins de trois jours le maquis du Vercors, le général Pflaum protégea les mouvements des armées allemandes qui transitaient dans la région ». Mais nous n’en sommes pas encore là… La directive allemande de 1942 sur la contre-guérilla stipulait clairement la protection de « tout ce qui est important pour la conduite de la guerre », notamment des moyens de communication 41. Le Colonel Desfrane relate le 17 juin 1961 devant la commission d’histoire du Vercors 42 : « Début septembre, nous avons vu arriver effectivement un QG de division, un état-major d’artillerie divisionnaire, un groupe d’artillerie de montagne, une batterie lourde, une unité de génie. Cette troupe, au point de vue qualitatif, ce qui a une énorme importance pour la Résistance, apparaît comme une troupe en grande partie en cours d’instruction, en dehors d’un cadre et de quelques noyaux d’anciens ».

Le 22 janvier 1944, près de 300 Allemands lancent une action de représailles suite aux opérations des deux jours précédents menées par les maquisards au niveau des gorges de la Bourne. Ils incendient la moitié des maisons de la Chapelle-en-Vercors, le lieutenant Roure âgé de 23 ans meurt dans cet engagement. Cette malencontreuse escarmouche comporte une leçon claire : contre un ennemi fortement armé, il n’existe pour des maquisards aucune possibilité de résistance prolongée sur une position fixe, si favorable qu’elle soit à la défensive. Il faut en tirer les conséquences et refuser la guerre de position pour pratiquer des embuscades foudroyantes. Il faut aussi noter que les actions des maquisards ne semblent pas avoir été faites sur consignes de quelque chef que ce soit. Ceci pose la question de la discipline dans les camps, et la difficulté de « tenir » des hommes en attente depuis des mois.

Cependant, cette stratégie n’est pas adoptée, bien au contraire, c’est le renforcement du système de défense du plateau qui est décidé. Le 25 janvier se tient la réunion connue sous le nom de code de « Monaco », à Méaudre, où 9 représentants des mouvements de résistance sont présents. Pierre Falureau dit Pel, défend la thèse de la « guérilla immédiate » : « Il faut, dit-il, frapper l’ennemi sans trêve ni répit, en tous lieux et en toutes circonstances » 43. On lui rétorque qu’une telle action engendrera « des représailles allemandes contre les populations civiles terribles », ce qui aurait pour conséquence de désolidariser les populations de la Résistance. Solution plus protectrice probablement. Solution peu efficace comme le montre le drame de Malleval 44 du 29 janvier 1944, suivi de l’attaque du monastère d’Esparron 45 une semaine plus tard. Cette série d’accrochages contre un ennemi bien renseigné et habitué au combat en montagne conduit les responsables du Vercors à réviser leurs conceptions, d’autant plus qu’aucun de ces accrochages sanglants n’a tourné à l’avantage des maquis. L’autre conséquence néfaste pour les maquisards est le « refroidissement » de la population à leur égard, suite aux représailles faites à leur encontre. Par exemple, du 16 au 23 avril, la Milice sous le commandement de Raoul Dagostini terrorise le village de Vassieux huit jours durant. Le ravitaillement des camps risque alors d’être compromis 46.
Les camps, trop nombreux, doivent être abandonnés et les hommes disséminés dans le Vercors. La consigne n° 3 diffusée le 29 mars est claire, prescrivant « l’état de défense dispersée ». Sage décision comme le montre la tragique expérience que vient de faire le maquis des Glières. Pourtant, cette décision semble mal accueillie parmi les maquisards, comme le note le lieutenant Stephen : « On avait tant attendu, tant “ souhaité ” ce coup dur ; on avait tellement confiance dans cette protection que le plateau assurait à ses défenseurs. Et voilà qu’à la première menace sérieuse, on décidait de se défiler, de se camoufler ! » 47.

Cette phrase révèle l’état d’esprit des maquisards qui rêvent d’une guerre classique et qui ne semble pas prêts mentalement à mener une guérilla. Question de génération, et de culture militaire peut-être. Cependant, cette nouvelle décision s’accompagne aussi de l’abandon de toute action offensive de guérilla. Les corps francs sont appelés à cesser toute activité offensive. Ordre et contrordre apparaissent nombreux dans ce maquis, et malgré le fait que depuis le 1er février 1944, toutes les formations militaires de la Résistance forment les unités d’une seule et même armée, celle des FFI, les débats stratégiques entre militaires, entre militaires et civils, et même entre civils sont fréquents. Ainsi, le britannique Thackthwaite récemment parachuté 48 dans le Vercors dans le cadre de la mission Union, envisage une défense mobile : les maquisards laisseraient les Allemands avancer en tiraillant le jour et les attaqueraient sur les flancs et les arrières pendant la nuit. Ce plan nécessite des armes lourdes, qui manquent cruellement aux maquisards. Malgré les relances de Thackthwaite auprès de Londres, la ligne de conduite de l’état-major allié est simple : « Les vraies tactiques de guérilla ne nécessitent pas l’utilisation d’armes lourdes » selon le texte même d’un rapport de Spécial Operation Executive49. Guérilla ou non, la question se pose sans cesse dans le Vercors. Le chef régional des FFI Albert Chambonnet dit Didier, est tout acquis à la
cause de la guérilla, et dès le 9 février 1944, il prescrit aux maquis récemment attaqués de « ne pas accepter le combat de front. Se replier en menant sur les flancs de l’agression une guérilla sans merci ».


1.2 – De l’importance du renseignement

Que ce soit du côté des maquisards ou du côté des Allemands, l’importance du renseignement est primordiale. Les Allemands utilisent de manière importante l’aviation afin d’obtenir des photographies du terrain. Paul Dreyfus cite ce que le général américain Caffey dit au général Cochet le 12 juillet 1944 à Alger : « Au cours des huit derniers jours, l’aviation allemande a opéré des reconnaissances photographiques au-dessus du Vercors », ce que les maquisards n’ignorent pas 50. « Dès le 13 [juillet 1944], Descour a répondu par radio à Cochet : il est bien exact que la Luftwaffe multiplie les missions de reconnaissance au-dessus du plateau »51.

Les Allemands disposent aussi de renseignements grâce à de nombreux collaborateurs français. M. La Picirella signale des cas d’espionnage. Ainsi, des signaux lumineux furent transmis en morse le 20 juillet 1944 vers 23 h 50 de l’intérieur du plateau 52 aux Allemands. Il cite aussi le témoignage de Georges Trial
qui surprend une femme envoyant un message en morse depuis une salle de classe de l’école de Vassieux, mais il n’est pas précisé ce qu’il advint de cette femme 53. Au recto de l’ordre donné au lieutenant Sabatier d’évacuer Saint-Nazaire-en-Royans le 21 juillet 1944, est crayonné : « s’assurer de la personne de X »54. Les Français disposaient d’un contre-espionnage, comme l’écrit le général Le Ray 55 : « Il est certain que les Allemands, la police de Vichy et la Milice ont infiltré des agents dans le Vercors. Certains ont été découverts et démasqués [...] Il faut croire cependant qu’ils ont mal fait leur travail puisque les Allemands semblent avoir supposé que le quartier général des “ partisans ” se trouvait à Vassieux ». Cette dernière phrase montre une faiblesse des moyens de renseignements allemands. Les maquisards savent aussi utiliser l’arme de la rumeur que les Allemands prennent souvent pour argent comptant 56. Cependant, la nécessité d’un réseau de renseignement ne semble pas avoir été de soi dans les débuts du Vercors…

Selon Pierre Vial, c’est Pierre Faillant de Villemarest, chef du camp C2 qui aurait proposé à l’été 1943 aux chefs du Vercors un projet de service de renseignement et de protection 57. Il met donc en place un réseau de médecins prêt à soigner les maquisards blessés et un réseau de surveillance et d’alerte. Les résistants profitent aussi des renseignements fournis par les chauffeurs des cars Brun . En effet, les Allemands ne disposant pas d’assez de cars ont réquisitionné ceux de cette société, avec les chauffeurs.

Le 24 novembre 1943, trois voitures allemandes équipées de détecteurs circulent dans le Vercors afin de détecter les radios cachées par les résistants. Le renseignement, les moyens de communication sont des armes essentielles que chaque camp veut maîtriser.


1.3 – Des actions disparates et peu nombreuses

Un rapport de la Kommandantur allemande daté du 3 juin 1944, note que « des cinq départements de notre région, c’est actuellement le département de l’Isère qui est le plus agité ». L’activité des résistants se porte « contre les soldats de la Wehrmacht. Les attentats contre les installations ferroviaires se poursuivent sans diminution. Presque tous les jours, les rails sont coupés entre Grenoble et Lyon et entre Grenoble et Chambéry. Les attentats, au moyen d’explosifs, contre les usines d’électricité et contre les pylônes électriques augmentent toujours ». Ces actions sont le fait des corps francs et des résistants des villes, pas des maquisards du Vercors. Les actions les plus nombreuses que ces derniers ont menées sont des coups de poing pour obtenir du ravitaillement. Mais en dehors de ces cas… ? Peut-on alors vraiment parler d’actions de guérilla dans le Vercors ?

1.4 – Et en haut lieu ?

Pierre Dalloz, démasqué, s’enfuit pour rejoindre Alger qu’il atteint le 24 novembre 1943. Il rencontre beaucoup de monde, mais le Vercors n’est pas au centre des préoccupations. A Alger, on s’interroge sur le futur Etat français, sur le fait de savoir
si la Résistance est communiste ou non... Dalloz explique pourtant le Plan Montagnards au colonel Dewavrin, le fondateur du BCRA... mais jamais il ne rencontrera de Gaulle.

A Londres aussi on s’intéresse aux maquis. Dès l’automne 1943 des mesures pour centraliser les maquis sont envoyées au délégué militaire national et aux 12 délégués régionaux. Le Vercors est visité par « Jérôme », Michel Brault, fondateur du SMN, Service National Maquis, car on s’inquiète en haut lieu de l’indépendance du Vercors.

Les tensions amènent à la démission de Le Ray qui quitte le Vercors, et avec lui, les connaissances du Plan Montagnards. Descour remplace Le Ray par Geyer, et prend le titre de « chef départemental du Vercors ».

2.1 – « Le chamois des Alpes bondit »

La joie éclate dans le Vercors le 5 juin à 21 h 15 lorsque les maquisards entendent le message de la BBC « le chamois des Alpes bondit », code du déclenchement du plan Montagnards. Le Jour J du débarquement en Normandie, le colonel Descour déclare que « le moment est venu d’exécuter les ordres d’Alger et de procéder à la mobilisation et à la fermeture du Vercors » 59. Tous les volontaires sont donc invités
à rejoindre les camps du Vercors 60.

Cependant, une telle mobilisation est source de deux complications néfastes à toute action de guérilla. La première est le freinage des activités de sabotage dans les vallées. Nombre de cheminots rejoignant le Vercors ne peuvent plus mener leurs actions dans les vallées contre les lignes de chemin de fer apportant matériels et vivres aux forces allemandes. La seconde conséquence s’apparente à un coup de projecteur braqué sur le Vercors. Déplacements d’hommes, messages radiodiffusés, voire cérémonies et proclamations en public sont des manquements à toute forme d’action qui se veut discrète pour être efficace. Certes, les maquisards attendent les renforts promis…

Dans la journée du 6, le parti communiste fait imprimer à Grenoble un tract appelant les Dauphinois à prendre les armes :
« N’attendez pas pour mener le combat. Il n’y a pas de jour J ni d’ heure H pour ceux qui veulent libérer le sol de la patrie. Créons partout des groupes de combat pour soutenir les mouvements et se défendre contre les Boches et les assassins miliciens. Elargissons, multiplions les mouvements de grève pour que celle-ci devienne générale sur tout le territoire. Par le sabotage, créons les conditions nécessaires à la désorganisation des transports et des industries au service de l’ennemi. Partout, dénoncez les ennemis du peuple de France, abattez-les sans pitié. Dauphinois, Dauphinoises, en avant vers le combat libérateur pour que vive la France ! » 61.

Indiscrète mais efficace, la mobilisation a multiplié par 10 les effectifs des maquis du Vercors. 3 000 à 4 000 hommes sont dorénavant dans les montagnes. Si les hommes ne manquent pas, les armes si. Les maquisards ne disposent pas d’artillerie, ni de mortiers, ni d’aucune arme à tir indirect. Bruyant et imprudent aussi le parachutage en plein jour du 14 juillet. En ce jour de fête nationale, des fusées bleues blanches et rouges, des parachutes tricolores éclairent le ciel des camps du Vercors. Éclairent aussi les Allemands dont la riposte est immédiate : le terrain de parachutage est mitraillé. La guerre ne peut se gagner par de telles manifestations, la guérilla ne peut se mener dans de telles circonstances. Qui sont les responsables de ces actions ?

Il faut noter que le général Koenig avait lancé un contrordre au « chamois des Alpes » en écrivant qu’il faut « freiner au maximum activité guérilla. Impossible actuellement de vous ravitailler en armes et en munitions en quantité suffisante. Rompre partout contact dans mesure du possible. Éviter gros rassemblement ». Cet ordre a été renouvelé le 14 puis le 16 juin… sans grand succès. Pourtant, les objectifs du plan Caïman exposé aux forces de l’intérieur le 16 mai par le général de Gaulle étaient clairs. En ce qui concerne le Sud-Ouest, le plan a pour objectif :

« l’ouverture, au profit des forces alliées débarquées en Provence, de l’axe Sisteron-Grenoble- Bellegarde, en direction de Besançon, permettant le débordement par l’est du couloir du Rhône ;
des actions de harcèlement sur les communications ferroviaires du couloir du Rhône ;
le cisaillement des communications entre la France et l’Italie ;
ultérieurement, l’ouverture des passages des Alpes au profit des forces alliées venant d’Italie ».

Le 6 juin, les Alliés n’avaient pas encore débarqué…

La mobilisation faite, la décision de renvoyer les jeunes chez eux pouvait être plus catastrophique encore ; eux et leurs familles pourraient être l’objet de représailles. Pourquoi les jeunes recrues, non armées, non entraînées, ne furent-elles pas disséminées dans le Vercors ? Même sur le plan local, le commandement du Vercors recevait des messages alarmants de civils pour lesquels le verrouillage du Vercors laissait présager d’abominables représailles. Malgré cet ordre et ces avertissements, Descour demande le 11 juin de l’« armement type maquis pour 18 compagnies légères et type lourd pour 6 compagnies lourdes » 62. Quand bien même les armes lourdes arriveraient, les maquisards ne disposent pas de mulets, d’ânes ou de véhicules pour les tracter…

Une hypothèse est envisageable pour expliquer cette confusion : elle a tout simplement été préparée et souhaitée par l’état-major d’Eisenhower. En effet, la multiplication des actions de guérilla et des actes de sabotage dès le 5 juin est un moyen de masquer aux Allemands le lieu du débarquement. Pour quelques heures, très précieuses, la confusion règne chez l’ennemi. Il en va de même pour les actions menées les jours suivants, pouvant faire penser aux Allemands que le débarquement de Normandie n’est qu’une feinte et qu’un nouveau débarquement plus ambitieux se prépare ailleurs. Hypothèse confirmée par le général Koenig en personne : « Les gens de R1 et R2 imaginaient que si les ordres d’exécution étaient lancés, cela signifiait que le débarquement sur les côtes de Normandie allait être suivi très rapidement par un autre débarquement sur les côtes de Provence. […] La conviction des gars du Vercors était donc qu’on devait y aller, non seulement tout de suite, mais à fond. Or, et pour des raisons de secret militaire d’opérations de guerre, il était impossible de leur expliquer que les mesures d’exécution qui visaient en fait toute la France, n’avaient été prises que pour maintenir le plus longtemps possible l’ennemi dans l’ignorance du débarquement essentiel…. » 63.

En effet, dès le 7 juin, des mouvements allemands sont à noter dans la région. Ils paraissent craindre tout d’un coup sérieusement les actions de la Résistance 64. C’est ainsi qu’Uriage où était installée l’école de la Milice est évacué en catastrophe,
de même que les différents cantonnements de la banlieue de Grenoble.

Une autre question peut être posée : les Allemands ont ils favorisé la concentration des résistants au Vercors ? Comme l’écrit Gilbert Joseph 65 : « Plus tard, nous penserons que l’ennemi laissa monter délibérément des centaines de volontaires pour transformer la “citadelle naturelle” en souricière afin de liquider d’un coup un maximum de maquisards ». Des officiers généraux allemands ont pu envisager une telle tactique. Ainsi le message de Maurice Schuman du 15 février 1944 sur la B.B.C., s’adressant aux maquis de la Haute-Savoie 66 : « La mobilité dans les maquis est un élément essentiel de la lutte [...] le but des Allemands est de déclencher une insurrection et un combat général prématuré, le but des Allemands est de vous accrocher pour vous détruire, la riposte consiste à savoir vous décrocher, à savoir suivant les cas éviter ou rompre le combat, à savoir vous disperser pour vous reformer aussitôt ». Les Allemands étaient aussi occupés à Crest ou Valréas… et ne pouvaient donc pas complètement stopper la montée vers le Vercors.

En cette fin de mois de juin, les raids aériens ennemis se multiplient, et les villages du Vercors sont les cibles de ces attaques répétées.

2.2 – Le « troisième Vercors »

Ce troisième Vercors est la plus grande concentration de maquisards de la région. Mais le profil de ces nouveaux combattants est bien différent. Le nouveau combattant est plus âgé, ou au contraire, beaucoup plus jeune, que l’« ancien » monté un an ou deux ans auparavant. Ces différences générationnelles sont des facteurs qui renforcent le manque d’homogénéité des camps. Et eux n’ont pas le temps d’être formés par les équipes volantes. Ils ne sont pas non plus formés au maniement des armes. Nombre de témoignages évoquent cette « ignorance en matière militaire » qui fait peur à la population, « on voudrait voir des chefs en uniforme » 67.

L’épreuve du feu pour ces jeunes maquisards, conjuguée au mauvais temps, fut particulièrement difficile. Plusieurs témoignages font état de peur, de dépressions et même d’hallucinations. Cependant, si dur qu’il soit, ce contact avec le combat soudera les hommes. La décision de Huet de reformer les anciennes unités dissoutes va dans ce sens. Les compagnies civiles sont enrégimentées dans les unités reconstituées.

Il s’agit de transformer ces maquisards et volontaires du 6 juin en armée régulière. Dans l’ensemble, ces changements sont bien accueillis.


Chapitre III – Les désastres du Vercors

3.1 – Les forces en présence

Côté Français

Nombreux sont ceux qui arrivent dans les montagnes dès les premiers appels de la mobilisation. Ouvriers, employés, commerçants, étudiants, de toutes les catégories sociales. Ils viennent de Romans, Grenoble, Valence, certains de Lyon ou de Paris. On trouve aussi un groupe de Polonais et une unité de Sénégalais. Troupe hétéroclite, « pas toujours disciplinée » note Roland Bechmann 68. Peu armée surtout. Dès la journée du 10 juin, trois messages sont envoyés à Alger pour demander des armes.

A l’aube de la grande bataille, combien sont-ils ? Le chiffre de 5.000 souvent avancé doit être largement nuancé. Le télégramme de Huet du 6 juillet précise : « Effectif complètement armé 2 000. Effectif partiellement armé 1 000. Effectif non armé 1000 » 69. Le registre des Pionniers du Vercors compte 3 909 hommes, parmi lesquels 169 officiers et 317 sous-officiers. Les archives du B.C.R.A. donnent les chiffres suivants : 4 000 hommes à armer en Drôme et Vercors au 15 juin, dont 3 000 au Vercors.

Cette faible part des militaires de carrière dans le Vercors doit être bien prise en compte 70. Les combattants sont en majorité volontaires, sûrs de leur combat contre l’occupant, mais inexpérimentés, avec un armement léger. Certains des maquisards présents sur le plateau depuis 1943, comme ceux du 11e Cuirassiers, sont correctement entraînés militairement ; mais ils ne tiendront pas face aux blindés en août à Romans, après avoir conquis la ville face à de l’infanterie [71].

Peu de militaires, et pourtant, l’organisation du Vercors est calquée sur celle d’une armée. Pour donner de la cohésion (et rapidement) à ces troupes, Huet décide le 13 juillet de créer des bataillons et des compagnies homogènes 72. Les 6e, 14e et 19e bataillons de chasseurs renaissent, de même que le 4e génie. Il crée aussi un état-major classique à 4 bureaux. Cette renaissance peut s’expliquer par la volonté d’unifier le maquis, afin de rendre les hommes solidaires les uns des autres. Les nouvelles recrues bénéficient de la présence du commando américain de la mission « Justine » (14 hommes commandés par le lieutenant G. Hoppers).

On peut ainsi situer à la veille des combats [73] :

– l’état-major du colonel Descour installé à la maison forestière du rang des Pourrets, au-dessus des Brunets (Saint-Agnan-en-Vercors) ;
– l’état-major de Huet situé à Saint-Martin-en-Vercors. Le 6e BCA commandé par Costa de Beauregard était installé dans le secteur de Correçon, Villard-de-Lans, Méaudre, Autrans ;
– le 12e BCA du chef de bataillon Ullman qui occupe la région de Rencurel, la Balme de Rencurel, Presles et Coranches ;
– le 14e BCA du capitaine Bourdeau qui tient les lisières ouest et sud-ouest de la forêt de Lente ;
– le 11e Cuirassier de Geyer qui occupe la zone sud du Vercors, et est stationné surtout à La Rivière, les Barraques, Revoulat, La Chapelle-en-Vercors, La Mure de Vassieux, Saint-Agnan, la Britière, le col du Rousset ;
– la compagnie du Tièves du lieutenant Champon dans le secteur du Pré Gandu, Grande Cabenne et Veymont ;
– la compagnie du génie du capitaine Roos à Saint-Agnan ;
– à Vassieux la compagnie de travailleurs chargée principalement de l’aménagement du terrain d’aviation ;
– l’hôpital et le service de santé à Saint-Martin-en-Vercors.




Côté Allemand

. Des troupes nombreuses

Les forces déployées par les Allemands sont essentiellement la 157 Reservendivision Reserve. La liste de ces unités est fournie par les rapports journaliers de la Wehrmacht du 21 au 23 juillet 1944, et par l’ordre que l’état-major de Lyon donne à Pflaum de préparer le déclenchement de l’opération Bettina contre le Vercors. Il s’agit :

– d’unités de la 157 Reservendivision : 2 Grenadierbataillonen [bataillon de grenadiers], 2 Pionierkompanien [compagnie de pionniers] ; 4 Gebirgsjägerbataillonen [bataillon de chasseurs de montagne, souvent traduit dans les ouvrages français : chasseurs alpins, traduit en anglais par “mountain troups”, dans les livres allemands concernant les Gerbirgsjäger, nous n’avons trouvé aucune mention des bataillons de la 157e] ; 2 Gebirgsbatterien [artillerie de montagne] ;
– d’unités du régiment de sécurité 200, dont celles stationnées à Valence, qui sont déjà intervenues au Vercors en janvier 1944 ;
– le Ost-Bataillon [bataillons de l’Est] n° 406 appartenant à la Freiwilligen Stammdivision stationnée au nord de Lyon ;
– de la Feldgendarmerie et des Alarmeinheiten [unités d’alerte] ;
– du Polizeiregiment 19 [Régiment de Police ] ;
– d’un bataillon de la 9e division Panzer, le Kampfgruppe Zabel ;
– d’un commando aéroporté, avec lequel sont impliqués le II./KG (Zweites/Kampfgeschwader 200) [2e groupe/escadron de combat 200], et le I./LLG 1 (Erste Gruppe/Luftlandegeschwader 1) [1er groupe/escadron aéroporté 1] ;
– ces forces terrestres sont appuyées par la Luftwaffe : l’escadre Bongartz stationnée à Chabeuil.

Toutes ces troupes ont un point commun, elles sont spécialisées dans la lutte contre les partisans, et aptes à remplir leurs missions. Nous sommes loin des 20 000 ou 30 000 hommes souvent avancés, mais ces forces restent nombreuses, et savent se battre ! Une estimation à 15 000 pour la 157 Reservendivision est donnée par le colonel Defrasne. Une estimation pour chaque front est faite par Gilbert Joseph 74 :
700 attaquent les Pas à l’est, 3 000 au sud et à l’ouest, 4 000 au nord, 400 à 700 sont aéroportés sur Vassieux (en tout 8 400). Les archives allemandes conservées en France ne donnent pas d’effectifs. Aucun autre maquis en France n’a mobilisé contre lui autant de forces ennemies.

. Des troupes entraînées

Le général Karl Pflaum qui commande cette division a installé son quartier général à Grenoble. Selon le lieutenant-colonel Wyler, début 1942, l’entraînement est médiocre, mais Pflaum va changer « l’état d’esprit de la division » et améliorer l’aptitude au combat pour l’invasion de la zone non occupée 75. Au lendemain du débarquement de Normandie, il regroupe ses unités sur des points d’appui solides, en constituant des colonnes mobiles pouvant intervenir plus efficacement contre les maquis. Cela est confirmé par le colonel Defrasne76 qui écrit : « Ce qui frappa le plus l’observateur attentif [qui espionnait la 157e Division] fut la ténacité dans l’instruction ». Leur armement, incluant des armes lourdes, est supérieur à celui des maquisards.

Deux facteurs contribuent cependant à baisser leur moral : la crainte des terroristes, et un nombre important de nationalités non-allemandes, troupes à l’engagement incertain. Cela se sentira surtout dans les Hautes-Alpes où un Allemand écrit 77 : « Nous avons une majorité de Polonais avec nous qui, à la première occasion, passeront chez les Français ». Les seules troupes d’élites utilisées au Vercors sont les pilotes de planeurs et les parachutistes du commando aéroporté. Selon Wyler 78, Pflaum qui a pris son commandement en septembre 1942, a « mis sur pied les premières unités organiques, a veillé personnellement sur l’instruction de chaque unité de fantassin, a insisté sur le combat de nuit et le camouflage et a fait que l’état d’esprit de la division a complètement changé et l’aptitude au combat s’est nettement améliorée ».

Pendant tout le mois de juin, les officiers allemands ont soumis leurs hommes à un entrainement intensif, et le 14 juillet, le général Pflaum commence à concentrer ces hommes pour attaquer le Vercors. C’est le plan de l’opération Bettina. Le jour J est fixé au 21 juillet.

3.2 – Préambule d’une défaite

L’attaque de Saint-Nizier, 10 juin 1944


Les Allemands réagissent sans tarder aux indiscrètes mesures de mobilisation de la Résistance, et le 10 juin, deux compagnies attaquent le « verrou de Saint-Nizier », clé de la trouée menant à Grenoble. En effet, la possession de Saint-Nizier par les troupes « rebelles » représente une menace pour les Allemands, par sa position d’observatoire d’où on peut surveiller tout le trafic routier et ferroviaire. Huet a établi sa défense en dessous de la crête, sur le plateau de Charvet, devant le hameau des Guillets. Aucun retranchement n’a été préparé, aucune tranchée ni aucun trou d’hommes creusé, aucun champ de tir dégagé. Piètre préparation. Les hommes tiennent pourtant quelques heures, avant d’être renforcés par ceux du 6e BCA qui bousculent l’ennemi et rétablissent la situation. Paul Brisac raconte que c’est « pendant l’installation qu’un embryon d’instruction militaire est donné »79. Les Allemands ont peut-être été impressionnés, mais les militaires de carrière ne peuvent venir au secours de chaque attaque contre ces jeunes recrues inexpérimentées placées ici ou là dans le Vercors. La guerre ne s’improvise pas. La guérilla non plus. Le 15 juin, la seconde attaque contre Saint-Nizier est déclenchée, avec des renforts de Gap, Chambéry et Lyon. 1 500 à 2 000 soldats allemands se battent contre 300 maquisards étirés sur un front de 4 km. En quelques heures, les Nazis entrent dans la ville et la brûle.

« La République du Vercors »

La période du 15 juin au 21 juillet est souvent appelée « la République du Vercors ». Le Vercors est en effet isolé, n’ayant des contacts avec Alger que par radio. Le 3 juillet, une prise d’armes est organisée en l’honneur d’Yves Farge qui vient d’être désigné comme futur commissaire de la République pour la région Rhône-Alpes. Une affiche est alors placardée sur les murs de Saint-Martin 80 :

« Population du Vercors, le 3 juillet 1944, la République Française a été officiellement restaurée dans le Vercors. A dater de ce jour, les décrets de Vichy sont abolis et toutes les lois républicaines remises en vigueur […] Habitants du Vercors, c’est chez vous que la grande République vient de renaître. Vous pouvez en être fiers. Nous sommes certains que vous saurez la défendre ».

Selon Fernand Rude, résistant dans le maquis, « les principes qui régissent la République sont rétablis sur le plateau. Ainsi, le 14 juin un “ tribunal militaire du Vercors” est installé à l’école élémentaire de la Chapelle, mais il sera rapidement dissous ». Cette République est le résultat de diverses préoccupations : celle des militaires de créer une zone franche du Vercors et celle des civils préoccupés par le rétablissement du principe et des lois républicaines.

Les hommes continuent d’affluer dans les maquis, toujours aussi peu expérimentés ; certains n’ont jamais utilisé une arme à feu. Les ordres des Alliés sont d’éviter les contacts directs avec l’ennemi, plutôt d’entreprendre des petites opérations destinées à couper les communications.

Dès les premiers jours de juillet, les Allemands se préparent à une attaque du Vercors, comme en témoignent les nombreux échanges de télégrammes entre le Vercors et Alger. Les garnisons de Valence et de Romans se renforcent de 1 500 hommes, dont des spécialistes de la lutte contre les maquis. 70 avions sont rassemblés sur le terrain de Chabeuil, au sud de Valence. Des blindés arrivent à La
Paillasse, près de Valence également. L’attaque se fait de plus en plus pressante. Les rapports des guetteurs du Vercors mentionnent avec précision ces préparatifs de l’armée allemande. Le Vercors multiplie ses SOS à Alger.

3.3 – La bataille du Vercors, la grande bataille

L’attaque allemande est menée sur trois fronts :
– débarquement aéroporté des chasseurs parachutistes du groupe Schäfer à Vassieux ;
– attaque principale menée par le gros des forces du groupe Seeger sur l’axe Lans-Corrençon ;
– assaut sur la ligne de crête des Pas menée par les Gebirgsjäger du groupe Schwer81.

Les premiers avions 82 survolent dès 9 h 30 Vassieux qui est rapidement aux mains des Allemands. Ceux qui étaient les maquisards se sentent comme des « hommes traqués » : « C’est une curieuse impression, voisine de l’hallucination, que la sensation de la présence de cet ennemi invisible, qui s’insinue autour de nous, de tous les côtés à la fois, comme une hydre que nous lacérerait de ses tentacules, lentement, mais sûrement, et sans que nous puissions rien tenter » 83.

À Vassieux-en-Vercors, selon la doctrine préconisée par le général américain Gavin 84, les Allemands n’ont pas hésité à larguer leurs parachutistes directement sur l’objectif. Lorsqu’on étudie l’histoire des parachutistes allemands, c’est ce qu’ils faisaient systématiquement (sur Eben Emael, en Crête, à Drvar, par exemples). L’effet de surprise est total, souligné par une métaphore reprise dans de nombreux
ouvrages 85 : « La foudre tombe sur Vassieux ». Les planeurs ne se sont pas tous posés sur la piste d’atterrissage préparée par les Français, l’étude de la carte de leurs positions [86] établie par M. La Picirella montre qu’une dizaine de planeurs ont utilisé cette piste, sur les 45 qui se sont posés en trois jours87, prouvant l’excellent entraînement des pilotes du L.L.G.1. Les atterrissages des planeurs sont protégés par des bombardements et des mitraillages aériens. Il y avait une mitrailleuse à l’avant de certains planeurs 88, servie par le pilote. Cela permet de couvrir l’assaut des parachutistes vers leurs objectifs, qu’ils investissent et maîtrisent rapidement. Ils résistent deux jours aux tentatives de reconquête des Français, ils reçoivent des renforts le 23 au matin par moyens aéroportés, et sont rejoints le soir par les troupes venant de Valchevrière. La mission du commando allemand fut accomplie avec succès malgré les difficultés.

Divers ouvrages décrivent bien les courageux efforts français pour reprendre Vassieux. Il en ressort qu’ils étaient mal coordonnés, avec un manque de moyens en mortiers. Ces derniers sont neutralisés dès que la pluie cessait par l’aviation allemande.

Pendant ce temps, Pflaum ordonne à ses hommes de prendre les Pas situés au sud-est de Vassieux : les uns après les autres, les Pas tombent aux mains de l’ennemi : Pas des Chattons et Pas de la Selle enlevés le 21, puis Pas du Fouillet pris le 22, Pas de l’Aiguille le 23. Les tentatives de reprise échouent. La « bataille des Pas » 89 est gagnée par ces deux gros bataillons allemands face à des maigres effectifs mal armés.

Les combats de juin avaient permis aux Allemands de s’assurer la position de Saint-Nizier, autour de laquelle la Résistance avait laissé un no man’s land.A partir de cette position, les Allemands attaquent sur Autrans-Méaudre, se heurtant aux compagnies commandées par Costa de Beauregard. L’un des engagements est décrit par Gilbert Joseph 90 : face aux moyens allemands (qui, eux, ont des mortiers), les maquisards sont contraints de décrocher. Mais les Allemands avancent avec précaution, pour arriver au carrefour de Valchevrière, selon les auteurs, le 22 dans la journée ou le 23 au matin. Au Sud-est, les Allemands attaquent aussi autour de Dié. La Drôme sud se trouve alors coupée du Vercors, et le col du Rousset n’est plus protégé. Le 23 juillet après midi, la bataille est finie, avec la percée de Valchevrière.

L’attaque allemande est incontestablement bien informée sur le plan tactique : les principaux camps sont identifiés, de même que le PC de Saint-Martin 91. Même si les forces et les moyens de la Résistance sont surestimés, l’appréciation générale « d’assez importants groupes de la Résistance française, sous le commandement d’officiers et de sous-officiers de l’ancienne garnison de Grenoble » n’est pas fausse,
ainsi que l’objectif prêté au maquis : « Couper, en cas de débarquement dans le Sud, la route aux renforts entre Valence et Grenoble » 92. Frapper vite et fort, telle est la consigne qui a été donnée aux troupes allemandes, selon les témoignages d’anciens combattants allemands à Vassieux. Au-delà de cette détermination il faut aussi s’interroger, comme l’a fait Henri Naguères, sur le choix tactique de la défense française. Pourquoi mener un combat « en ligne » contre un adversaire que l’on savait puissant ? Une trop grande confiance dans la forteresse ?

Le plan de Pflaum comporte aussi des interrogations. En effet, on peut s’étonner du fait qu’il ne cherche pas à appuyer au plus près l’opération des planeurs sur Vassieux, alors qu’il fait attaquer le plateau d’Autrans situé à 50 km de là. De même, pourquoi fait-il stopper ses éléments dès le 21 juillet à Autrans et à Corrençon ? Pourquoi n’attaque-t-il Valchevrière que le 23 ? Pourquoi n’utilise-t-il pas les éléments blindés de la 9e Panzer pour forcer le passage ? Pourquoi fait-il monter ses chasseurs à l’assaut des Pas alors qu’il peut les occuper de l’intérieur ?

Des explications peuvent être apportées à ces nombreuses interrogations. Pflaum sait que le bouclage du Vercors est impossible, il lui faudrait trois fois plus d’hommes pour le réaliser. C’est probablement la raison pour laquelle il décide de boucler surtout à l’ouest (il installe son PC à Saint-Nazaire) et d’attaquer au nord et à l’est. Quant au sud, il utilise la départementale 93 passant par Dié pour y faire circuler une sorte de bouclage itinérant à la charge des éléments de la 9e Panzer [93].

Les responsables prennent alors la décision d’évacuer le Vercors, tout au moins de disperser les hommes au sein même du Vercors, bouclé par les Allemands. Les ordres sont envoyés le 23 juillet à 16 h 00, avec exécution immédiate. Parmi les troupes de Huet, ce sont les unités les mieux encadrées qui ont appliqué les consignes de dispersion avec le plus de rigueur. Beaucoup tentent de fuir, seuls, et sont abattus par les Allemands qui guettent toutes les sorties possibles du Vercors.

Où évacuer l’hôpital militaire basé à Saint-Martin ? La grotte de la Luire apparaît comme un bon refuge.

3.4 – Des représailles épouvantables

Le massacre des blessés cachés dans la grotte de la Luire est l’un des épisodes les plus sanglants de l’histoire de la bataille du Vercors. Médecins, infirmières, prêtres sont ainsi fusillés ou déportés. Il est malheureusement annonciateur d’autres martyrs que subira le Vercors dans la phase de « nettoyage ». Les ordres donnés sont clairs : « Il s’agit maintenant de ratisser le Vercors avec méthode, de trouver les
bandes de terroristes dispersées dans leurs refuges et de les exterminer complètement, ainsi que de découvrir les munitions accumulées, les provisions de l’ennemi et de détruire leurs repaires et leurs dépôts, afin de rendre impossible, à l’avenir, une réinstallation de l’ennemi dans le Vercors. Pour le ratissage, il est prévu un délai de 7 jours. […] Les maisons qui ont été les points d’appui et les dépôts des terroristes, notamment dans le Vercors même, seront incendiées […] ». Les ordres seront appliqués. 7 jours de ratissage. 7 jours de représailles. Les récits témoignent de la brutalité des Nazis, notamment à Vassieux : « Nous sommes tous saisis d’une horreur sans nom devant tant de cruauté et de sadisme » raconte Maurice Rouchy. Elles s’exercent contre des civils, des enfants, des vieillards. Le martyre d’Arlette Leblanc, 7 ans, a duré cinq longues nuits et cinq longues journées. Des récits atrocement semblables pourraient être écrits sur la Chapelle-en-Vercors, Saint-Agnan, Chabotte… La liste serait trop longue.



Le Vercors pleure 840 Français tués, dont 639 maquisards. Le total des pertes allemandes est plus difficile à établir, probablement une centaine. Pour conclure à propos des pertes françaises au Vercors, citons le général Le Ray : « Les proportions de pertes des unités du Vercors, qui, pourtant, étaient mal entraînées et pas très bien encadrées, ce pourcentage des pertes est très inférieur à celui des unités françaises qui se sont battues en Italie, par exemple, qui ont attaqué le Belvédère, et les unités américaines et anglaises qui ont donné l’assaut à Cassino. [...] Le pourcentage de pertes françaises des combats du Vercors, qui est encore beaucoup trop grand, n’a pas été supérieur à celui d’opérations régulières. Ce qui est horrible, ce sont les massacres de civils » 94.

Cependant, des actes aussi cruels que ceux perpétrés par les troupes allemandes lors des combats du Vercors ne leurs sont pas spécifiques. La répression d’un maquis se fait systématiquement avec violence. Si le Vercors est évoqué lors du procès de Nuremberg dans le chef d’accusation n° 3, point G, « destruction sans raison des cités, villes et villages et dévastations non justifiées par les nécessités militaires », dont le premier paragraphe donne des exemples de villages entiers détruits en France, entre autres « Oradour-sur-Glane, Saint-Nizier, et dans le Vercors : La Mure, Vassieux, la Chapelle-en-Vercors ».

Aucun soldat de la Wehrmacht ayant participé aux opérations dans le Vercors ne sera jugé pour crime de guerre 95. D’après Jacques Delpierre de Bayac, la milice française n’a pas participé à l’assaut final en juillet. Arrivée début avril dans le Vercors, elle a combattu aux côtés des Allemands en juin, mais a quitté le Vercors à la fin de ce mois. La présence de SS n’est pas clairement définie. 


TROISIÈME PARTIE
LE SACRIFICE DU VERCORS


Chapitre I – « Alger nous abandonne ! »

Le message que Huet envoie à Alger dans la nuit du 25 au 26 juillet traduit ce sentiment d’abandon : « Défenses Vercors percées le 23 à 16 h 00 après lutte de 56 heures. Ai ordonné dispersion par petits groupes en vue de reprendre lutte si possibilités. Tous ont fait courageusement leur devoir dans une lutte désespérée et portent la tristesse d’avoir dû céder sous nombre et d’avoir été abandonnés seuls au
moment du combat ». Le message de Chavant envoyé un peu plus tôt accuse ouvertement Alger : « La Chapelle, Vassieux, Saint-Martin bombardés par l’aviation allemande. Troupes ennemies parachutées sur Vassieux. Demandons ravitaillement en hommes, vivres et matériel. Moral de la population excellent, mais se retournera rapidement contre vous si vous ne prenez pas dispositions immédiates et nous serons d’accord avec eux pour dire que ceux qui sont à Londres et à Alger n’ont rien compris à la situation dans laquelle nous nous trouvons et sont considérés comme des criminels et des lâches. Nous disons bien : criminels et lâches ». Ce télégramme fait l’objet d’un électrochoc à Alger. Le général Bethouart, chef d’état-major de la Défense nationale est chargé immédiatement par de Gaulle de s’occuper de cette affaire. Mais le temps de trouver des hommes à parachuter, la situation du Vercors a évolué… et l’ordre de dispersion donné.

Henri Michel 96 explique qu’après les massacres de maquisards et de civils, « tous eurent la conviction
 d’avoir été incompris, abandonnés, voire trahis. A vrai dire, à l’enthousiasme des résistants, à leurs besoins, ne correspondaient pas, à Alger, des moyens suffisants chez les Français ni, chez les Alliés qui les détenaient, la volonté de les fournir ». Les Alliés n’ont certainement pas trahi un maquis auquel ils avaient signalé qu’il n’était pas prioritaire, et à qui ils ont envoyé un armement, certes léger, mais en quantité importante pour remplir les missions qu’ils attribuaient à la Résistance.

« Les Alliés, seuls dispensateurs de l’armement, ne livreront à la Résistance que les armes nécessaires aux missions spécialement prévues par eux-mêmes et le B.C.R.A. dans la perspective du débarquement et ce, dans le cadre de groupements organisés » 97.

De plus, il semble que du côté français, la préparation de l’attaque finale n’était pas inconnue. L’étude minutieuse menée par Fernand Rude des télégrammes échangés entre le Vercors et Alger montre que, dès le 13 juillet les services du général Cochet, à Alger, avaient prévenu Descour et Huet de l’imminence d’une offensive allemande, ceux-ci étant renseignés de leur côté par leurs propres structures et par la Résistance de la Drôme et de l’Isère 98. Pourquoi alors ont-ils été surpris ? Pourquoi le terrain de Vassieux était-il dépourvu d’une simple DCA ?

Il faut noter aussi que le Vercors ne représentait pas grand-chose dans le contexte général de la guerre. Au même moment, en Normandie se déclenchait l’opération Goodwood, tandis que l’opération Cobra en direction d’Avranches débutait le 25 juillet. Sans oublier les conditions atmosphériques peu favorables à une intervention alliée aérienne à la mi-juillet.


Chapitre II – Un plan essentiellement statique et défensif

2.1 – Les principes

« Les erreurs tactiques commises au Vercors crèvent les yeux » affirme Tillon 99. Le plan ne porte-t-il pas en lui les germes de son échec ? Plan essentiellement statique, défensif, il parait peu se préoccuper de mettre en oeuvre des modes d’action propres à la guérilla. Celle-ci est fondée sur la mobilité, le mouvement offensif, l’initiative, la surprise… non sur des parachutages en plein jour et une mobilisation
massive. Chambonnet, chef des FFI avait envisagé l’issue fatale du Vercors dans une lettre du 24 février 1944 écrite à Descour. « Si dès aujourd’hui, nous concentrons les meilleurs éléments dans des massifs défendables, nous devons envisager deux hypothèses :

1) l’ennemi est décidé à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour liquider ce camp retranché, le doute n’est pas possible sur l’issue de cette opération étant donné le rapport des forces qui nous est trop défavorable. Le plateau sera nettoyé et les populations civiles qui l’habitent massacrées ;
2) l’ennemi redoute une opération d’envergure et se contente alors de bloquer les sorties : cela revient à transformer les massifs en une sorte de camp de concentration où les éléments avancés de la Résistance seront retenus prisonniers »100.

Dès le 21 juillet, Huet donne l’ordre de dispersion et Bousquet s’exclame : « Vous ne trouvez pas que l’on a fait assez de conneries comme cela ? Nous avons constitué des états-majors. Nous sommes organisés comme une division classique. C’était une bêtise. Il ne subsiste qu’une seule solution : évacuer le Vercors ».

Là encore, la technique de la guérilla en montagne ne semble pas avoir été réellement appliquée dans le Vercors. Le lieutenant Poiteau, commandant la célèbre « Compagnie Stéphane » a clairement défini ses principes : « La troupe de guérilla doit se tenir à l’abri des lieux habités et s’interdire de tout contact avec les civils. Elle échappe aux opérations de nettoyage par l’égaillement, le camouflage total, la disparition dans la nature défiant tout ratissage. C’est la première chose à apprendre pour survivre ».

La guérilla doit être menée par des troupes excessivement entraînées, où « la supériorité de l’ennemi motorisé peut être compensée par du souffle, des jambes et une parfaite connaissance de la montagne »101. « Pour aguerrir les hommes, des exercices à double action et tir réel sont exécutés très haut en montagne ». L’entraînement que propose le Capitaine Stéphane est-il adaptable aux forces présentes dans les camps du Vercors ? Les hommes de Poiteau sont sélectionnés (1 sur 5). Pas dans le Vercors qui accueille surtout les réfractaires au STO qui viennent chercher refuge. Dans tous les combats, les maquisards ont appliqué les règles classiques de la guerre de position. Ne savait-on pas, au départ, qu’un tel combat échappait aux normes et aux habitudes ? N’était-il pas évident qu’il fallait oublier en partie les leçons enseignées à l’Ecole supérieure de guerre ? Le lieutenant Poiteau l’a bien compris dans le massif de Belledone :

« La supériorité absolue de l’ennemi, écrit-il, lui permet de parer surabondamment à toutes nos attaques et de nous écraser à l’heure de son choix. Que nous reste-t-il pour manoeuvrer, sinon l’étroite marge entre ses estimations, vase de son action, et nos véritables possibilités ? D’abord, fausser les calculs de l’adversaire, le jeter dans l’incertitude, par un plan de camouflage actif, le bluffer et marquer tous nos actes d’une fantaisie effrénée mais froidement calculée : ne faire ni ce qu’on attend de nous ni le contraire, mais toute autre chose. Ensuite, augmenter nos possibilités, obtenir de nos hommes des performances littéralement invraisemblables. Nous irons volontairement à la limite de nos forces et nous demanderons à l’entraînement de reculer cette limite. Il sera mené à une telle cadence qu’après les premiers combats les hommes diront : “ c’est quand même moins dur que l’exercice ” »102.

Cependant, il faut relativiser l’action du Capitaine Stéphane. Le général Le Ray reconnaît lui-même qu’il s’étonnait de la tactique très originale de Poiteau, et ce dès les débuts de la guerre. « La compagnie Stéphane nomadisait sur les flancs du massif de Belledonne, après avoir hanté l’Oisans et la Chartreuse. Ce parti pris de la mobilité avait retenu mon attention, alors que dans leur grand nombre, les formations de maquis se trouvaient allergiques aux changements de décor et d’assiette, Stéphane en faisait un principe de base de son attitude et de sa pédagogie. Il y avait là une vision originale et essentielle de laquelle tout le reste découlait. La sécurité et l’aptitude au combat dépendaient directement de cette
option qui éliminait d’emblée toute tentative de relâchement et de recroquevillement chez les petits groupes de réfractaires devenus hors la loi que constituaient les maquisards »103.

La guérilla même ne semble pas faire partie du vocabulaire des chefs militaires. L’ordre n° 4 de Huet du 19 juillet 1944 stipule : « Soldats du Vercors, c’est le moment de montrer ce que nous valons, c’est l’heure pour nous de la bataille… »104. Compte-t-il vraiment emmener des hommes non préparés dans une « bataille » ?


2.2 – Les faiblesses de la préparation

Le plan Montagnards reposait sur les Alliés, sur les possibilités de parachutage d’armes notamment qui ont manqué. La mission Eucalyptus avait bien reçu l’ordre d’avertir la résistance des moyens limités en fournitures alliées et de décourager les flux de nouveaux arrivants qu’il était impossible d’équiper : « Il est de votre devoir, et assurément le plus important de votre mission, de le dire clairement aux chefs du Vercors, et de les persuader de ne pas accepter plus d’hommes qu’ils ne peuvent armer adéquatement ». Des parachutages, il y en a eu. Pas assez nombreux…Et surtout, ils ne correspondaient pas aux attentes des maquisards. Nous avons déjà vu le manque d’entraînement militaire dans les camps, notamment pour les recrues de l’été 1944.

Pour le cas des Glières, Malraux évoque « la grande trahison de l’hiver ». La question de la permanence des maquis mérite d’être posée. En effet, pour certains théoriciens de la guérilla en montagne, les camps statiques, tels ceux du Vercors, ne sont pas des maquis, même s’ils sont composés de combattants armés, car ils ne permettent pas de mener cette guérilla. Le Ray défend cette position, en prônant la création des groupes mobiles remplaçants les camps. Le froid est une composante spécifique du combat. Tous les maquisards ne sont pas des montagnards habitués à la neige, à ses pièges. Encore moins sont bien équipés pour y vivre, ni même pour combattre. J. La Picirrela note que le froid découragea certains maquisards, qui, l’hiver venu, abandonnèrent le camp pour redescendre chez eux 105. Du fait des défections, en novembre 1943, les camps 4 et 6 furent donc réunis en un seul et même camp. « Après avoir atteint, au cours de l’été 1943, un effectif de plus de 400 hommes, le nombre des maquisards à l’approche de l’hiver ne fut plus que d’environ 250 ».

L’erreur fondamentale fut d’identifier ce massif à un refuge et d’avoir tenté de l’organiser en une sorte de camp retranché. Le Vercors avait été sainement apprécié au début, quand, avec ses différents maquis séparés, Royans, Malleval, Lans… il servait de point d’appui à des actions de guérilla locale, ainsi que faisaient les maquis voisins de la Grande Chartreuse, de Chambarrand ou du Diois. La condition indispensable à la réussite de ces opérations, c’était le fractionnement extrême et la possibilité pour l’exécutant de pouvoir toujours reculer, ce qui le rendait insaisissable. Mais à partir du moment où l’on se proposait de grouper en une seule unité de combat tous les maquisards du Vercors, la défense de l’ensemble du massif devait être prévue et organisée : c’était un peu celle d’un camp retranché à la manière de 1880-1900 avec noyau central et ouvrages détachés106. Et encore fallait-il se demander si cette conception était encore valable en l’état actuel des armements. Par exemple, la conquête de l’île de Crète par l’aviation et les parachutistes allemands montrait son efficacité. Une invasion aérienne du Vercors se serait qu’un jeu pour ces mêmes Allemands.


Dès l’annonce du débarquement de Provence le 15 août 1944, les unités ont recommencé à se regrouper, afin de faire mouvement vers la vallée. En somme, c’est maintenant que va s’appliquer le plan Montagnards qu’on avait cru pouvoir exécuter au mois de juin. Huet a réfléchi sur ses erreurs, et une note du 7 août écrite de sa main stipule : « Regroupement de tous les éléments de la forêt domaniale dans deux régions : Arbounouse, Pré Grandu. Récupération de l’armement. Tri des hommes et des cadres et formation de petits groupes de guérilla de 25 à 30 hommes maximum, solides et très bien encadrés. Idéal : 1 officier, 3 sous-officiers par groupe. Armement : 3FM, 1 ou 2 bazookas, le reste, fusils, mitraillettes, grenades Gamon. Instruction à outrance de l’embuscade et du coup de main ». La tactique des maquisards sera toute différente et plus efficace. Petits groupes, entraînements et hypermobilité. Les mots d’ordre du capitaine Stéphane en quelque sorte…mais trop tardivement appliqués.

Lassus, qui commande les FFI dans la Drôme conforte : « L’idée de la forteresse du Vercors ayant fait faillite, nous devons continuer la lutte contre l’ennemi, en changeant de procédé. Nous ne devons pas tenir de lignes ou des zones, derrière lesquelles le PC ou les civils se sentent en sécurité. Que toutes vos unités retournent au maquis. Plus de gens avec brassards dans les villes. Dites-vous bien qu’il y a dans chaque village ou dans vos PC un agent de l’ennemi que vous ne soupçonnez pas et qui travaille et qui prépare les listes des civils qui nous aident, pour les fusiller. […] La consigne à répéter est que la fluidité doit être la règle générale ».

Le colonel Marillier soulève aussi la question de la compétence des hommes mis à la tête du Vercors. « Comment peut-on imaginer qu’un commandant de cavalerie, Hervieux, malgré sa compétence, son ardeur et son rayonnement, puisse passer en un mois et demi d’un commandement de chef d’escadrons à celui de général de brigade ? Comment imaginer qu’il puisse durant ce laps de temps à la fois se préoccuper de la constitution de sections, de compagnies, voire de régiments et superviser la mise en place de zones de défense, puisque dans sa première phase le plan Montagnards prévoyait le bouclage du plateau ? »107.

2.3 – Les retombées des actions menées par les résistants

Voulu ou non, le déclenchement du plan Montagnards a-t-il distrait les Allemands ? Selon le colonel Defrasne 108, ce fut d’abord pour le front italien que la 157 Reservendivision envoya des unités. Toujours selon lui, ce sont essentiellement les troupes de la 9e Panzer qui sont concernées pour aller renforcer le front allemand en Normandie. Il écrit : « On conclut au retrait possible de la division blindée de la région de Nîmes-Uzès [...]. On signale des chargements de véhicules dès le 6 juin ». En ce qui concerne la 157 Reserve Division, il signale que « son infanterie est désormais réduite à 7 bataillons, [au lieu de 11], 3 n’étant plus repérés ». Il signale qu’un des bataillons a été remplacé temporairement, mais « la 157e D.R suffira à peine au maintien de l’ordre et à la lutte contre les forces intérieures dans un secteur aussi vaste que le sien ». Cependant, si des éléments de l’armée allemande partent vers la Normandie, ou l’Italie, d’autres vont être installés dans la région en juillet-août pour la lutte contre les « bandes », notamment les Osttruppen qu’on a vu agir contre le Vercors ; le colonel Defrasne évoque des Turkmènes et des Azerbaïdjanais entre le 31 juillet et le 3 août à Valence. Les actions contre le Vercors n’ont pas provoqué l’immobilisation des troupes d’occupation, l’essentiel de celles qui devaient aller en Normandie y avaient été transférées avant juillet 1944 [109].


Pour les Allemands, les objectifs ont été atteints dans un délai très court. Mais ce succès n’est pas exploité : ni eux ni les vichystes n’occuperont le plateau. Le colonel Defrasne110 explique que « dès le 25 juillet, des allégements dans le dispositif ennemi “ Vercors ” ont été constatés, suivis au début d’août de véritables mouvements de dislocation. Ainsi, après avoir infligé aux forces F.F.I. des pertes très sensibles, les Allemands abandonnaient l’opération avant de l’avoir complètement menée à son terme ». Les rapports journaliers de l’armée allemande rendent compte le 27 juillet de l’effondrement de « la résistance ennemie du Sud-Est », et le 28 juillet de « signes continuels de désagrégation du côté de l’ennemi. Infiltrations tentées par petits groupes empêchées ». Du 29 juillet au 1er août de « continuation du nettoyage », avec le signalement le 30 juillet que « dans la partie sud, constat des positions ennemies avec effectifs renforcés ». Il semble donc que, pour les Allemands, seules quelques troupes patrouillent après le 27 juillet. Cependant la guérilla reprend au Vercors après début-août, dès que les Allemands quittent le Plateau. Michael Pearson écrit que le commandant Costa de Beauregard reprend
l’action le 8 août en montant une série d’embuscades 111.

Succès rapide mais de courte durée, qui fait s’interroger certains ouvrages militaires sur l’adéquation du plan de Pflaum 112. Si les opérations allemandes, réalisées dans un délai très court, ont été un succès, celui-ci n’est que provisoire. Il ne dure que le temps que la Wehrmacht peut occuper le terrain, et elle ne peut pas l’occuper partout, ni très longtemps. Du 23 juillet au 5 août, les F.F.I. de l’Isère et de la Drôme connaissent des succès face aux troupes ennemies qui les engagent. Le 11e Cuirassiers a été si peu « étrillé » par l’affaire du Vercors, qu’il se permet de conquérir Romans le 22 août, face à des troupes allemandes avec lesquelles il combat à armes égales. La mission de la l57e Division est accomplie, les Allemands ont préservé leurs lignes de communications des Vallées du Rhône et de l’Isère.

De manière assez étonnante, aucun historien ne fait référence au manuel de contre-guérilla publié par les Allemands. Dès 1941, ces derniers éditent une directive « sur les combats à mener contre les partisans », qu’ils complètent en 1944 par une nouvelle circulaire. Ce nouveau règlement sorti le 6 mai 1944 a pour but d’organiser et de standardiser la contre-guérilla. Il met en exergue les qualités nécessaires au bon chef de contre-guérilla, qui doit être à la fois un bon militaire et un bon policier. Sa mission offensive repose en effet sur sa valeur militaire tandis que sa mission défensive fait largement appel à des méthodes policières 113. N’était-il pas utilisé contre les maquis français ? Ou les Allemands ne considéraient pas les maquis français de la même manière que les partisans du front russe ?


Chapitre III – Mais une bataille mythique

Aujourd’hui, la région du Vercors reste marquée par le souvenir de cette époque avec ses mémoriaux, son musée, ses plaques commémoratives. Dans la mémoire de cette période, le Vercors apparaît comme un symbole de la Résistance, une légende 114 qui s’enracine maintenant dans la mémoire collective de la région. Cette légende se construit à partir du fait qu’il s’est passé, au Vercors quelque chose « d’extraordinaire », qui ne s’est pas passé ailleurs. Ce maquis a mobilisé l’un des plus grands effectifs de troupes répressives en France, soutenues par une aviation qu’on n’a pas vu être aussi active ailleurs, contre d’autres maquis. Un commando aéroporté attaque à Drvar, ce qui est un point commun avec le Vercors.
Les Résistants de Slovaquie ont connu, de la part des Soviétiques, une impossibilité d’intervenir comparable 115. Les atrocités accompagnant la répression étaient courantes sur le front de l’Est. L’originalité du Vercors est de récapituler toutes ces caractéristiques, en un même lieu, en peu de temps, ce qui rend le cas complexe. S’y ajoute le mythe du combat du plus faible contre le plus fort. C’est David contre Goliath : le Vercors-David contre le Goliath-Allemand. Certes, le Vercors est vaincu, mais cela ne gène en rien la genèse d’un symbole ou d’une légende 116. Même si tout n’est pas vrai dans ce que connaît le « grand public » de cette légende, « Notre devoir n’est pas de détruire toutes les légendes qu’il peut y avoir dans notre vie. On vit parfois mieux avec des histoires – même fausses »117.

Un exemple montrant la complexité de la mémoire du Vercors se trouve dans les mémoires de M. Poniatowski. Il écrit [118] : « Le Vercors s’était transformé en un camp retranché statique avec tranchées, fortins, petit aérodrome, etc. Les militaires s’étaient cru à Verdun et avaient organisé des compagnies et des bataillons ». Dans cette phrase, le mot clé est « Verdun » : un autre moment de l’Histoire de France qui a marqué la mémoire, et est devenu légendaire. A « Verdun » s’associe naturellement l’idée de « tranchées », parce qu’il est commun de parler de « guerre des tranchées » en évoquant la Première Guerre mondiale. Le mot « fortin » s’associe à « Verdun », pour ceux qui savent que la place était entourée de « forts », comme Douaumont. Richard Marillier évoque une petite casemate à Valchevrière, considérons-la comme fortin, mais des tranchées, il n’y en a pas eu au Vercors. Gilbert Joseph écrit : « Depuis trois jours nous n’avions aménagé aucun emplacement de combat. Certains habitants du Vercors, qui avaient déjà fait la guerre, nous donnaient des conseils : “ Creusez des trous, fabriquez vous des abris ! – Merci, grands-pères ” répondions nous avec indulgence à ces attardés d’une autre génération »119.

« Les militaires s’étaient cru à Verdun » est une déformation de mémoire collective liée à l’expression, répandue, qui dit que « les Français sont toujours en retard d’une guerre ». L’assimilation « Verdun-Vercors » amène à l’association « 14-18 et 39-40 » (surtout « 40 ») qui entraîne l’idée « en retard d’une guerre ». Les militaires du Vercors ne se sont pas crus à Verdun, mais il est vrai qu’ils ont organisé des compagnies (et des bataillons de chasseurs alpins). Cette association-collision de la mémoire « traitée et déformée » avec la mémoire « de la réalité » constitue un prisme déformant qui fonctionne assez systématiquement 120.

Cette collision de la mémoire de l’événement avec celle d’un événement antérieur, peut se combiner avec la collision de la mémoire d’un événement postérieur. L’aspect « statique » du Vercors et le « petit aérodrome » correspondent à la réalité. « Statique » est associable à « Verdun ». « Camp retranché » peut être associé à « Verdun », mais l’est davantage avec « Diên Biên Phu », marqueur de la mémoire des parachutistes, ainsi qu’« aérodrome ». Ces confusions de mémoire se mêlent à l’inconscient, aux non-dits : « Avoir été abandonnés seuls au moment des combats » est la conclusion du message qu’envoie Huet le 24 juillet à Alger, cette impression d’abandon est également valable pour Diên Biên Phu. Même si M. Poniatowski ne l’écrit pas, cela pourrait faire partie de sa mémoire inconsciente.


CONCLUSION

Le Vercors va rester une région dévastée, avec des villages détruits, en reconstruction pendant deux années. On recense 1 185 maisons, dont 126 fermes 121, complètement à reconstruire. L’hiver 1944-45 sera particulièrement difficile, malgré l’aide apportée par le « Don suisse ». En septembre 1945, la route des Goulets est rendue à la circulation122. La reconstruction commencera début 1945. Les carcasses de planeurs seront enlevées en octobre 1945123, pour pouvoir cultiver. Au 31 décembre 1945, quelques bâtiments sont remis en état, 850 maisons ont été rendues habitables et 143 baraquements perfectionnés ont été édifiés pour le relogement rapide des sinistrés 124. 300 prisonniers allemands travaillent avec 700 ouvriers 125. L’Assemblée constituante débat de cette reconstruction le 15 mars 1946. Le 26 mai 1946, le tunnel du col de Rousset est rendu à la circulation126. Au 20 juillet 1946, moins de 612 bâtiments ont été reconstruits.

Le Vercors est passé à l’état de mythe. Des combats, il y en a eu. Des actions de guérilla, pas vraiment. Le Plan Montagnards s’est révélé inapplicable, et surtout mal appliqué, par manque d’hommes expérimentés, par manque de moyens. 70 ans après, il est assez facile de critiquer. Tel n’est pas le but de cette étude. La guérilla n’était pas une technique connue, apprise, maîtrisée. La tragédie du Vercors est de
montrer que la guérilla ne s’improvise pas.


NOTES

1 Christian Bailly, « La guérilla, genèse d’une praxis », Revue de la Défense Nationale, mai 1998, p. 98.
2 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, Grenoble, Arthaud, 1969, p. 15.
3 Pendant toute la période, les FT tenteront de garder le pouvoir sur le Vercors, évinçant les autres groupes de résistants voulant s’installer dans la zone.
4 Paul Dreyfus, op. cit., p. 21.
5 Gilles Vergnon, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, Paris, l’Atelier, 2002.
6 Ces « réflexes obsidionaux séculaires », comme les qualifie Jean-Marc Lafon à propos de la Serrania de Ronda, (« un “Vercors” espagnol ? » dans « Occupation, pacification et résistance en Andalousie (1810-1812) », R.H.A., n° 1-1998, page 23) concernent également la Slovaquie et l’Alto Tortonese pour la Seconde Guerre mondiale.
7 La grotte de la Luire en est un macabre exemple.
8 Paul Dreyfus, Histoire de la résistance dans le Vercors, op. cit., p. 53.
9 Dans Officier et historien, Paris, Economica, 2001, page 281, le général Delmas explique que « ces systèmes fortifiés [les lignes Maginot et Metaxas] tombent rapidement, non pas à cause des attaques frontales qu’ils subissent, mais parce qu’ils sont tournés ». L’arrivée des parachutistes allemands sur Vassieux est un moyen de tourner les « falaises-murailles ». Il conclut : « Le drame d’un système fortifié, c’est son manque de souplesse ».
10 Gilles Vergnon, Le Vercors, op. cit., p. 17.
11 On pourrait s’interroger sur les raisons qui ont poussé à accepter aussi rapidement un tel plan, mais ce n’est pas le propos de cette étude. Sur ce sujet, Cf. Gilles Vergnon, Le Vercors, op. cit.
12 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit.
13 Ce qu’elle ne sera jamais, bien au contraire.
14 Ibid.
15 Il s’agit de Bourdeaux, le directeur de l’exploitation forestière sur laquelle la ferme d’Ambel est construite.
16 Par exemple, le maquis Thivollet, du pseudonyme que prendra Geyer, se constitue fin janvier 1943 avec « l’arrivée, en provenance de Lyon, d’un contingent de réfractaires au travail en Allemagne. [...] Négligeant les fermes, les garçons vont connaître désormais dans la nature la vraie vie du maquis ». Dès la fin de l’année 1942, Descour et son adjoint Dom Guétet auraient fait acheminer quelques fusils et FM au camp de Geyer, issus des matériels camouflés par le C.D.M. Martin Patrick, La résistance dans le département de la Drôme, 1940-1944, thèse Paris IV, novembre 2001.
17 Gilles Vergnon, le Vercors, op. cit., p. 70.
18 Ibid.
19 La majorité des opérations « coups de poing » auront pour objet cette recherche de vivres.
20 Pierre Vial, la bataille du Vercors, Paris, Presses de la Cité, 2001.
21 J. La Picirrela, Témoignages sur le Vercors, Drôme et Isère, Vassieux-en-Vercors, Musée de la Résistance, 1993.
22 Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, Association des Pionniers du Vercors, Valence, 1990.
23 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit., p. 77.
24 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit.
25 Ibid., p. 143. Cité dans Gilles Vergnon, le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, op. cit.
26 Jean-Marc Collavet, Chronique du Vercors, du maquis d’Ambel au martyre de Vassieux, Valence, Peuple libre, 1994.
27 Marcel Descour est « régional O.R.A. à Lyon » (page 290 de L’O.R.A. - La Résistance de l’Armée, par le colonel de Dainville, Lavauzelle, 1974).
28 Patrick Martin, La Résistance dans le département de la Drôme, op. cit., p. 493.
29 Marcel Brun, 19 ans dans le maquis raconte : « Ca a commencé fin 1942. Il y avait une scierie à côté, dans le hameau. Et il est arrivé un jeune, un requis du STO qui avait refusé de partir. Et il était venu se planquer dans cette scierie. Et c’est lui qui a commencé à nous dire : “ Y’a un lieutenant à La Chapelle qui est chef de camp, il cherche des sizaines de civils, il faudrait qu’on forme une sizaine ”. Alors lui était chef de sizaine et on a trouvé 4 copains, et on a donc formé une sizaine, et on est allé trouver le lieutenant ».
30 Gilles Vergnon, le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, op. cit., p. 16.
31 Patrick Martin, La Résistance dans le département de la Drôme, op. cit.
32 OVRA : oeuvre de vigilance et de répression de l’antifascisme.
33 Arrestation de Jean Moulin et de huit autres résistants.
34 J. La Picirrela, Témoignages sur le Vercors, op. cit., p. 15.
35 Le Ray est le seul survivant du premier comité militaire du Vercors, le seul qui ait été dans la confidence du plan Montagnards.
36 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit., p. 76.
37 Massacres et arrestations des principaux résistants grenoblois par des collaborationnistes lyonnais sous les ordres de Francis André, du 25 au 29 novembre 1943.
38 Paul Wyler, La longue marche de la 157e division, Paris.
39 Eugène Martres, Les troupes allemandes dans le Massif Central, Editions du Borée, 1993, pages 418-419.
40 Joseph Gilbert, Combattant du Vercors, Paris, Fayard, 1963, page 292.
41 Général Dixon, La guerre sur le front russe, guérilla et contre-guérilla, Lavauzelle, 1956.
42 Commission d’histoire du Vercors, 72 A 588, conservé à l’IHTP.
43 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit.
44 Le 29 janvier, les Allemands attaquent le maquis de Malleval où étaient regroupés des anciens du 6e BCA. Les maquisards sont tués, le village incendié. Une trentaine d’homme sont morts, seuls 5 ou 6 hommes ont réussi à échapper au massacre. Paul Bulle raconte : « Que dire de Malleval si ce n’est que nous nous sommes fait piéger, comme des enfants. Nous les attendions dans la direction des gorges Le Moulin, et nous somme allés, colonne par un, nous faire massacrer par une mitrailleuse dissimulée au-dessus du village par des servants venus sans doute de Rencurel-les-Coulmes ».
45 Les camps 6 et 8 se sont regroupés au monastère d’Esparron.
46 C’est pour ces deux raisons que le capitaine Stéphane préconisait que les maquisards n’aient pas de contact avec les populations locales.
47 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit., p. 103.
48 Le 6 janvier 1944.
49 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit., p. 107.
50 Paul Dreyfus, Histoire de la résistance en Vercors, op. cit., page 153.
51 Ibid., page 154.
52 Journal de marche du 11e Cuirassiers, A.D.R. 31J/D8.
53 Joseph La Picirella, Le martyre de Vassieux-en-Vercors, op. cit., pages 50-51.
54 Archives du lieutenant Sabatier, nous n’avons volontairement pas noté le nom réel de ce X.
55 Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, op. cit., page 203, note 2.
56 Patrick Martin, La résistance […], op. cit., p. 487.
57 Pierre Vial, la bataille du Vercors, op. cit., p. 71.
58 Commission d’histoire du Vercors, 72 A 588, conservé à l’IHTP.
59 Charles Tillon, Les FTP la guérilla en France, Paris, Julliard, 1961, p. 182.
60 Mlle Berthoin alors âgée de 23 ans témoigne de cette euphorie : « Moi, j’étais venue avant le 6 juin, mais, le 6 juin, vous savez, c’était une grande fête le Vercors, on a passé des beaux jours quand même. On y croyait tellement ». Cité dans Patrick Martin, La résistance, op. cit.
61 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit., p. 130.
62 Gilbert Joseph, Combattant du Vercors, op. cit., p. 139.
63 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit., p. 138.
64 Commission d’histoire du Vercors, 72 A 588, conservé à l’IHTP.
65 Gilbert Joseph, Combattant du Vercors, op. cit., page 135.
66 Diffusé pendant l’émission Les jours du siècle sur France-Inter.
67 Gilles Vergnon, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, op. cit., p. 91.
68 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit., p. 142.
69 Ibid, p. 177.
70 Archives nationales, archives B.C.R.A. 171Mi72 dossier 1 feuillet 46.
71 Patrick Martin, La résistance dans le département de la Drôme, op. cit. p. 481.
72 Dès le 12 juillet 1944, puis le 13, par les ordres du jour de Huet, cités de manière plus ou moins complète par de nombreux auteurs : « Depuis deux ans les drapeaux, les étendards, les fanions de nos régiments et de nos bataillons sont en sommeil. Maintenant la France s’est, dans un élan magnifique, redressée contre l’envahisseur.
La vieille armée française qui s’est illustrée au cours des siècles sur tous les champs de bataille du monde va reprendre sa place dans la nation. Sur le plateau du Vercors où nos maquis et nos sédentaires luttent avec une énergie farouche depuis des mois, peu à peu les unités prennent corps. Le Chef d’escadron Hervieux, commandant le Vercors, décide qu’à dater de ce jour les Unités placées sous ses ordres reprendront les traditions militaires des Corps de troupe de la région et leurs écussons chargés de gloire ».
73 Le Vercors par ceux qui l’ont vécu, op. cit., p. 149.
74 Gilbert Joseph, Combattant du Vercors, op.cit.
75 Patrick Martin, La Résistance dans le département de la Drôme, op. cit., p. 481
76 Un réseau de renseignements de l’O.R.A. dans le sud-est de la France 1943-1944.
77 Essai pour servir à l’historique de la Résistance dans les Hautes-Alpes sans nom d’auteur, Gap, 1945.
78 Wyler, La longue marche de la 157e division, op. cit., page 353.
79 Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, op. cit., p. 173.
80 Texte reproduit en annexe n° 4.
81 Gilles Vergnon, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, op.cit., p. 106.
82 « Ce commando était entraîné depuis six mois, et pour des raisons de sécurité évidentes n’était composé que d’Allemands », note Georg Schlaug. Il écrit une citation de P.W. Stahl, sans indiquer de références plus précises : « Ce qui distinguait les aviateurs du KG200, c’était leur particularité de spécialistes ». Ce qui amènerait à
conclure que les troupes aéroportées au Vercors sont un commando spécial de la Luftwaffe. La présence même d’un commando aéroporté est exceptionnelle dans la lutte contre les partisans et n’a qu’un précédent : Drvar. Les Yougoslaves y disposaient d’artillerie et étaient sans doute mieux entraînés que les Français au Vercors, cela n’a pas empêché les Allemands (cette fois des S.S.) d’agir aussi rapidement qu’au Vercors, même si leurs pertes furent plus élevées, et d’y échouer à capturer Tito.
83 Propos d’un jeune maquisard du camp 11, Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit., p. 191.
84 Citation dans The Paras British Airborne Forces 1940-1984, par Gregor Fergusson, Osprey, Londres, 1984 : “It is better to suffer 10% initial casualties by dropping either on close to the bridge, than to run the risk of landing on distant drop zones” [il est préférable de risquer 10 % de pertes initiales en larguant plutôt près du pont, que courir le risque de larguer sur des zones éloignées (de l’objectif)] (A propos de l’opération “Market-Garden”).
85 Ceux de Paul Dreyfus, qui semble en être à l’origine, par exemple.
86 Cf. annexe n° 5.
87 Témoignages sur le Vercors, op.cit., page 231.
88 Ibid., page 228.
89 Cf. annexe n°6.
90 Joseph Gilbert, Combattant du Vercors, op. cit., pages 226 à 228.
91 Il faut noter l’efficacité du renseignement allemand et le fait que dès le 6 juin, de nombreux agents de la Gestapo peuvent se fondre facilement au milieu de l’effervescence qui règne sur le Vercors. Les unités de la 157e Division ayant participé aux incursions et combats des Baraques et de Malleval en janvier, du pont Martinet dans les gorges de la Bourne début mars, de Saint-Julien-en-Vercors courant mars, de l’opération de la Milice à Vassieux en avril, n’avaient pas manqué de tirer à la fois des enseignements sur les actions menées et aussi d’affiner leur
connaissance du terrain.
92 Gilles Vergnon, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, op. cit., p. 106.
93 Colonel Marrillier, Vercors, le malentendu permanent, Précy sous Thil, Editions de l’Armançon, 2003 p 120.
94 Pierre Bollée (dir), Grenoble et le Vercors, actes du colloque de l’IEP de Grenoble, 1975, page 175.
95 Patrick Martin dans sa thèse précise que les Allemands ne furent pas les seuls à commettre des exactions, des Français y participèrent. Lors du « nettoyage » final après les combats, un des cas les plus dramatiques pour les Résistants fut celui de Mireille Varo dite « Provence », détaillé par MM. Escolan et Ratel, qui omettent cependant de préciser que celle-ci fut graciée, après sa condamnation à mort en 1945 pour avoir provoqué l’exécution de 23 maquisards.
96 « Les Maquis en France » dans La Seconde Guerre mondiale, page 1857.
97 Général Delmas « Conception et préparation de l’insurrection nationale » actes du colloque La Libération de la France, ibid., page 452. François-Georges Dreyfus souligne que les F.F.I. (pas seulement au Vercors) n’admettront jamais que les parachutages sont d’abord liés à la place que les Résistants sont sensés tenir dans le déroulement de la campagne du débarquement, et que c’est la raison pour laquelle les Résistants sont « presque tous déçus de la médiocrité de l’aide alliée » (« Comptes rendus de lecture » dans Guerres mondiales et conflits contemporains,
n° 197/2000, page 183).
98 Gilles Vergnon, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, op. cit., p. 108.
99 Ibid., p. 185.
100 Charles Tillon, les FTP, op. cit., p. 188.
101 RHSGM, p. 30.
102 Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de la Liberté, op. cit., p. 213.
103 Stéphane, un capitaine de la Résistance, CRDP Grenoble, p. 34.
104 Cité dans J. la Picirrela, Témoignages sur le Vercors, op. cit., p. 203.
105 J. La Picirrela, Témoignages sur le Vercors, op. cit., p. 56
106 Article « Le maquis du Vercors », revue d’histoire militaire suisse, p. 83
107 Colonel Marillier, Vercors, le malentendu permanent, op. cit., p. 16.
108 Un réseau de renseignements de l’O.R.A. dans le sud-est de la France, ibid.
109 Patrick Martin, La résistance dans la Drôme, op. cit., p. 485.
110 Un réseau de renseignements de l’O.R.A. dans le sud-est de la France, op. cit.
111 Tears of glory, ibid., page 241 : “ On 8 August, a week before the southern invasion, Beauregard decided that the time had come for his men to go back on to offensive. The captain set up a series of ambushes”.
112 Le jugement du colonel Mariller est sévère lorsqu’il « s’étonne de son choix stratégique qui s’est avéré inadapté à la situation » : Vercors, le malentendu permanent, op. cit.
113 Général Dixon, La guerre sur le front russe, op. cit.
114 Dans le sens d’une « histoire déformée et embellie par l’imagination » (Larousse). L’histoire du Vercors est fréquemment déformée, souvent (pas toujours) embellie, surtout par le « grand public ».
115 Henri Michel écrit, dans Etudes Européennes, 1973, page 568 : « Ni la Slovaquie ni le Vercors n’étaient de véritables éléments de la stratégie alliée ».
116 Il en est ainsi de celle de Custer à Little Big Horn.
117 Zvi Yavetz « Les ruses de l’histoire et de la mémoire », dans Pourquoi se souvenir ? Grasset, 1999.
118 Michel Poniatowski Mémoires, ibid.
119 Gilbert Joseph, Combattant du Vercors, ibid.
120 Le choix du titre d’un numéro spécial de L’Armée Française de 1948 relève de la même logique : « De Sedan au Vercors », Sedan où les Français s’étaient enfermés en 1870, dans d’autres circonstances.
121 Dauphiné libéré, 20 juillet 1946, article en Une de Georges Tardy intitulé : « Renaissance du Vercors ».
122 Dauphiné libéré, 13 septembre 1945, sans nom d’auteur.
123 Dauphiné libéré, octobre 1945, sans nom d’auteur.
124 Dauphiné libéré, 20 juillet 1946, article en Une de Georges Tardy, ibid.
125 Dauphiné libéré, 31 octobre 1945, article de Georges Tardy intitulé : « La renaissance des villages du Vercors ».
126 Dauphiné libéré, 14 mai 1946, sans nom d’auteur.



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